La fête de l'Immaculée Conception nous apporte un grand enseignement en nous dévoilant les pensées du Christ, ses préférences, son cœur.
Quand, pour nous sauver, le Fils de Dieu veut entrer dans notre race humaine, se faire homme comme nous et avoir une maman comme nous, il choisit une femme toute belle, c'est-à-dire toute pure, dont l'âme n'a jamais voulu ni subi le péché.
Nous le savons par l'Évangile, le Christ, tout au long de son ministère public, se montrera extraordinairement accueillant pour tous ceux qui viendront à lui, il faut même dire scandaleusement accueillant pour les pécheurs : oui, ses manières de faire étonneront jusqu'au scandale ceux qui avaient de la respectabilité, de la considération, de la tenue.
« Comment ! Diront les Pharisiens aux disciples de Jésus, votre Maître mange avec les pécheurs publics, avec ceux qui violent la Loi ostensiblement, les collecteurs d'impôts, les nouveaux riches gorgés de profits illicites ! Comment ! Diront-ils, lorsque, pendant une réception, une femme viendra verser des parfums sur les pieds du Christ, il se laisse approcher par cette dévergondée dont la mauvaise conduite est notoire!... On voit bien qu'il n'est pas un prophète et qu'il ne devine guère les âmes. »
Il faudra que le Christ justifie cet accueil qu'on estime trop facile, il faudra qu'il raconte les paraboles immortelles : Cette pièce de monnaie perdue et retrouvée par la pauvre ménagère, cette brebis égarée, ramenée par le berger tendrement sur ses épaules, cet enfant ingrat qui, revenant après sa fugue, ruiné, famélique, déshonoré, est reçu par son père avec des embrassements ; il faudra que le Christ fasse la théorie de sa pratique et qu'il déclare : « C'est pour les malades que je suis venu, pour ceux qui ont besoin de médecin. Que ceux qui pensent être en bonne santé me laissent à mes malades. »
Et de fait, jamais en présence des pécheurs il ne prend d'attitude hautaine qui les humilierait, jamais il n'affecte de grands airs de dignité, jamais il ne trahit le moindre dégoût. Après tout, le médecin qui, devant la déchéance physique, la plaie infectée ou le cancer, ferait le dégoûté et éprouverait des haut-le-cœur, montrerait seulement qu'il s'est trompé de métier, qu'il n'était pas fait pour être médecin.
Le Christ, lui, ne s'est pas trompé de métier, il était fait pour être le Sauveur, c'est-à-dire le médecin des âmes gangrenées et lamentables.
« C'est l'ami des pécheurs », disaient de Jésus les pharisiens. Ils avaient raison. Mais il faut immédiatement ajouter : « C'est l'ennemi irréductible du péché. »
Il a fait éclater sa sainteté, il a proclamé ses préférences profondes quand, pour entrer dans le monde, il a voulu une Mère immaculée, c'est-à-dire exempte de tout péché. En nous la présentant, il nous dit solennellement :
« Celle qui doit être ma Mère sera pure jusqu'à en être éblouissante. Non seulement son âme ne sera jamais entamée par le péché grave, dût-il être réparé par le plus émouvant des repentirs. Non seulement je ne veux voir en elle aucun péché véniel, aucune déviation même légère de l'amour de Dieu, aucune ombre d'égoïsme. Mais je ne veux même pas qu'ayant à prendre vie dans une race souillée par le mal héréditaire, elle soit touchée par ce mal, dont vous n'êtes pas personnellement responsables, mais dont vous êtes pourtant atteints réellement et qui constitue pour vous une tare déshonorante. Je suis le Sauveur, je suis donc l'architecte patient, le reconstructeur obstiné qui, après le cataclysme du péché, relève les ruines et recommence. Mais quand il s'agit de celle qui doit être le temple vivant où je reposerai, je ne trouve pas assez belle la beauté émouvante de ces églises qui, après les profanations des barbares et les pillages, ont été restaurées avec amour ; je veux la beauté toute jeune de la basilique intacte qui jaillit d'un seul élan, sans une reprise, sans un repentir, depuis la pierre fondamentale jusqu'à la dentelle des clochers. Je veux une Mère immaculée. »
Et c'est dans ce contraste entre la bonté du Christ s'inclinant vers les pécheurs et ses préférences intimes pour la beauté parfaite que se trouve pour nous la leçon. Oui, c'est bien la misère à guérir et le criminel à sauver qui attirent le Sauveur sur la terre. Mais il n'aime que la pureté; en elle seule il se complaît; et c'est vers elle qu'il veut que nous montions. Leçon anticipée à l'heure de l'Immaculée Conception ; leçon de toute la vie de Jésus ; leçon répétée à ses derniers instants. Il est Celui qui, au Calvaire, admettra près de la Croix rédemptrice Madeleine la pécheresse convertie et qui dira à son compagnon de supplice, un bandit revenu au moment suprême, les paroles stupéfiantes de miséricorde : « Aujourd'hui, tu seras avec moi dans le Paradis. » Mais Il est Celui qui, de cette Croix, jettera un dernier regard de tendresse sur sa Mère Immaculée, cherchant en elle la grande consolation de son agonie.
Ainsi le Christ, d'un bout à l'autre de sa vie, apparaît comme la Miséricorde sans limite et la Sainteté intransigeante. Ah ! Nous pouvons toujours le rencontrer, au creux même de notre misère et même si nous piétinons encore dans des habitudes fangeuses ; mais à condition que nous ayons un désir sincère du mieux et une nostalgie de la pureté, à condition aussi que nous ayons une confiance totale en son pouvoir de nous relever. D'ailleurs, l'Immaculée Conception est elle-même un motif puissant de cette confiance.
Car elle nous montre bien que, si notre nature humaine est capable de tant de mal, elle est capable aussi — nous le voyons en Marie — de sainteté radieuse, quand la grâce du Christ vient l'illuminer.
Et c'est avec la conscience profonde de notre misère, avec un désir ardent de la sainteté et une grande espérance que, pendant les semaines qui préparent Noël, nous devons dire au Sauveur: « Venez ! » en confiant notre prière à celle qui, étant l'Immaculée, est à la fois si proche de Dieu et si pitoyable aux pécheurs.
Extrait de : PLUS PRÈS DE DIEU
Volume 1 du Père Gaston Salet S.J.
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