Un Dieu si bon, un père si tendre, ne devrait trouver dans ses enfants qu'une docilité parfaite à sa sainte loi et une fidélité constante et inviolable ; mais il s'en faut bien que les hommes aient ces sentiments et tiennent cette conduite à son égard.
Ils l'offensent tous les jours ; la plupart l'abandonnent, violent ses commandements dans les points les plus essentiels et l'outragent par les plus grands crimes. Les justes mêmes tombent souvent dans des fautes qui contristent le Saint-Esprit ; ils ne commettent point, à la vérité, de ces crimes qui donnent la mort à l'âme et qui la séparent de Dieu, mais ils font tous les jours des choses qui lui déplaisent. Il n'y a point d'homme qui si nous disons que nous ne sommes coupables d'aucun péché, nous nous trompons nous-mêmes et la vérité n'est point en nous. Ce sont les paroles de l'apôtre saint Jean. Aussi notre divin Sauveur, qui connaissait la faiblesse de notre nature, nous a fait un devoir de demander tous les jours à Dieu le pardon de nos offenses.
Il n'a mis cette demande dans la prière qu'il nous a enseignée, que parce qu'il veut nous pardonner ; il ne nous l'aurait pas prescrite s'il n'avait pas eu la volonté de nous accorder l'effet de cette demande.
Mais il ne faut pas oublier que sans la contrition, aucun péché, ni mortel ni véniel, ne peut être remis. Dieu ne pardonne qu'à ceux qui ont du regret de l'avoir offensé et qui sont dans la résolution de n'y plus retomber. Il ne faut cependant pas se dispenser de prier sous prétexte qu'on se croit éloigné de cette disposition ; il faut, au contraire, prier pour la demander à Dieu.
En lui disant : Pardonnez-nous nos offenses, nous lui demandons la grâce d'une sincère pénitence afin d'obtenir par ce moyen le pardon de nos péchés. Quand on est dans cette disposition, on est sûr d'être écouté favorablement et de parvenir à une entière réconciliation avec Dieu.
Mais serait-il juste de vouloir que Dieu nous remît nos offenses, tandis que nous ne pardonnons pas à notre prochain les fautes qu'il a commises contre nous?
Serait-il raisonnable de vouloir que Dieu usât d'indulgence à notre égard et qu'il oubliât les injures que nous lui avons faites, si nous voulions nous venger de celles que nous avons reçues ?
Nous disons tous les jours à Dieu : Pardonnez nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. Le pardon que nous accordons aux autres est donc la mesure de celui que nous demandons à Dieu pour nous-mêmes : si nous pardonnons à notre prochain, Dieu nous pardonnera ; si nous ne voulons pas lui pardonner, Dieu ne nous pardonnera pas non plus.
Faire cette demande et conserver dans son cœur du ressentiment contre ceux qui nous ont offensés, ce serait donc dire à Dieu : ne me pardonnez pas, parce que je ne veux pas pardonner à ceux qui m'ont fait de la peine ; vengez-vous de moi, parce que je veux me venger d'eux. Ce serait prononcer l'arrêt de sa condamnation, en demandant pour soi-même le traitement que l'on fait aux autres.
histoire : Saint Jean l'Aumônier apprenant qu'un seigneur refusait de pardonner à un ennemi, le fit venir et l'engage à assister à la sainte messe qu'il allait célébrer. Comme c'était la coutume que tout le monde récitât l'oraison dominicale, le saint fit signe au servant de se taire à ces paroles : Pardonnez nous nos offenses comme nous pardonnons...et le seigneur les récita seul. Alors le saint, se tournant vers lui, lui dit avec fermeté : Qu'avez-vous fait ? Vous avez prononcé votre sentence, vous avez dit à Dieu de ne pas vous pardonner, puisque vous ne pardonnez pas! Le seigneur, frappé de ces paroles, se prosterna devant l'autel et promit tout ce que le saint voulut : la réconciliation fut parfaite.
Extrait du : NOUVEAU TRAITÉ DES DEVOIRS DU CHRÉTIEN ENVERS DIEU. (Édition 1860)
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