Il faudra mourir, fussiez-vous âgée de plus d'un siècle : Il vous faudra mourir, car la mort n'accepte ni otage, ni rançon, ni remplaçant : point de discussion, point de raison qui vaille ici : Que vous le vouliez ou non, le sort en est jeté: il faudra bien partir.
Vous mourrez, vous qui lisez ces mots, et peut-être ne pensez-vous pas à la mort !
Vous mourrez, vous qui jouissez d'une santé florissante, vous qui portez si haut la tête et qui mijotez mille projets dans votre imagination... vous mourrez : l'arrêt en est porté, et c'est un arrêt sans appel.
Riches, vous mourrez ; et à qui tomberont en partage ces biens que vous vous êtes amassés ? Vous devrez les abandonner à des étrangers, sans rien garder vous-mêmes, et le tombeau sera votre demeure.
Vous qui méprisez, aujourd'hui, le pauvre Lazare et qui vous livrez tous les jours aux plaisirs de la bonne chère, vous mourrez ! Et où vous retrouverez-vous alors ? Hélas ! Peut-être en enfer avec le mauvais riche de l'Évangile.
Orgueilleux, vous mourrez ! Et a quoi vous serviront alors les pompes et la vanité de vos grandeurs ?
Voluptueux, vous mourrez ! Et privés de ce qui faisait vos délices, vous croupirez dans une tombe infecte.
Tous, tant que nous sommes, nous irons dans cette « demeure de l'éternité » d'où personne ne revient.
L'empereur Maximilien Ier, sur le point de mourir, ordonna qu'on exposât son cadavre en public afin, disait-il, que son exemple apprît à tous qu'il n'y a ni couronne, ni richesse, ni puissance qui affranchisse de la mort celui qui les possède.
Ne vous imaginez pas avoir ici-bas une demeure stable, de peur de devoir en sortir sans y être préparée.
La même civière qui emportait hier un vieillard a porté ce matin un florissant jeune homme : demain ce sera une mère de famille, puis une jeune fille, puis un enfant au berceau.
A moi aujourd'hui ! A toi demain ! C'est le dernier salut et le dernier avertissement que nous jette ce mourant sur le bord de sa tombe. « Hier, c'était notre tour, aujourd'hui c'est le vôtre : cri universel que les morts nous adressent du fond de leur tombeau. — Pensez à la mort, ajoutent-ils, pensez a l'éternité qui n'aura point de fin ni pour vous, ni pour nous, ni pour personne ! En un clin d'oeil, vous viendrez nous rejoindre. »
Et en effet, l'heure va venir où l'on dira de vous : « On recommande aux prières des fidèles l'âme d'une telle, décédé aujourd'hui... les funérailles auront lieu tel jour, à telle heure : De profundis!Qu'elle repose en paix!» Et cependant vous, vous laissez aveugler peut-être par votre amour-propre qui vous persuade que vous ne mourrez pas de si tôt.
S'il n'y avait au monde qu'une seule personne qui dût mourir et qu'informée de son arrêt, elle mît aussi peu de zèle et d'empressement à s'occuper de son âme et de son salut qui nous en manifestons nous-mêmes, mon Dieu ! Que de reproches et de remontrances n'aurait-elle point à subir ! « Ne voyez-vous pas, lui crierait-on, qu'un trait mortel va percer votre cœur ? Ne voyez-vous pas le tombeau et les vers qui attendent déjà leur hideuse pâture ? Ne voyez-vous pas le jugement, le compte que vous allez avoir à rendre, compte si obscur et si chargé ? Hélas ! Vous gaspillez le temps en plaisirs, en frivolités, en vaines distractions, en entreprises de tout genre, en mille chimères, en mille rêves de succès et de bonheur ! Et la grande, l'importante affaire du salut, vous l'oubliez complètement, vous la perdez tout à fait de vue !» — Ah ! Que chacune de nous se dise ces choses à soi-même, puisque nous sommes tous condamnés à la mort par un arrêt inévitable de la justice divine.
Bien que la voix de Dieu nous avertisse que la mort est près de nous, le démon néanmoins nous fait accroire qu'elle est encore, bien, bien loin; il nous la représente comme un boiteux dont la marche est lente et mal assurée : et nous, pauvres insensées, nous nous la figurons comme en effet bien éloignée ! Nous voyons ses victimes autour de nous, et nous jouons avec autant de sécurité que si nous ne devions pas demain grossir leur nombre !
Dites-vous souvent : entre la mort et moi, il n'y a qu'un pas ; regardez la mort comme le seuil de l'éternité et imaginez-vous à chaque instant être sur le point de le franchir.
Demeurez toujours ici-bas comme si vous étiez sur le point de déménager: Que toutes vos actions portent l'empreinte de cette utile réflexion : demain, je devrai plier ma tente et la porter ailleurs ; et cet ailleurs, c'est le tombeau, c'est l'éternité. Mon Dieu, non, je ne veux plus rien faire que pour cette éternité : travailler pour l'éternité, parler pour l'éternité, lire, écrire pour l'éternité!... Cette vie, cela n'en vaut vraiment pas la peine !
Voici une bonne pratique. Lorsque vous passez devant un cimetière, que vous apprenez la mort d'une personne, que vous voyez un convoi funèbre, que vous entendez sonner le glas des trépassés, ne priez pas seulement pour le soulagement des pauvres âmes, mais faites aussi un retour sur vous-même, et souvenez-vous de votre fin prochaine. Demandez-vous : Si j'étais mort, en quel état serais-je aujourd'hui ! serais-je riche en bonnes œuvres ? Et peut-être je mourrai demain ! Faites dès maintenant tout ce qu'il est en votre pouvoir de faire pour bien mourir. (R. P. HELLEGEER.)
Extrait de : LECTURES MÉDITÉES (1933)
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