Les mystiques et les profonds penseurs, nous étonnent avec leurs paroles et aussi dans leur langage à eux, les grands artistes, parce qu'ils essaient de faire dire aux mots, aux couleurs et aux formes des choses impossibles, dont eux seuls en savent le secret.
La signification de cet étonnement est exprimée par Gœthe dans cette phrase profonde : « Toutes les choses périssables ne sont que des symboles. » Symbole de quoi? Évidemment de l'idéal, que l'on déclare ainsi vraie réalité, dont le symbole est l'annonce.
Pascal écrivait déjà à M11e de Roannez (4e lettre) : « Toutes choses couvrent quelque mystère; toutes choses sont des voiles qui couvrent Dieu. Les chrétiens doivent le reconnaître en tout. » Ici, la pensée est complète. La réalité du créé est toute fondée en l'idéalité de Dieu. Elle est donc spirituelle.
Les choses sont filles de l'Esprit, communication de l'Esprit; elles révèlent cet Esprit par leur essence même, et c'est ainsi qu'elles sont des symboles. Si elles n'étaient ressemblance de Dieu, elles ne seraient point. Cette ressemblance est leur être même en tout ce qu'il a de significatif et d'utile pour nous : Comment nous arrêter à ces images changeantes en oubliant ce qui fait, en arrière, leur stabilité ?
Toute chose est ferme en Dieu et en elle-même fuyante, caduque, presque inexistante. Les idées créatrices sont le solide, et les formes créées sont le reflet. Il s'ensuit que dans les idées de Dieu, que la conscience ou bien l'Évangile nous les révèle ; la loi de toutes choses y est inscrite, et la nôtre, et le secret de toute consistance, et la formule de tout progrès, et le terme de tout effort.
On croit que les idées sont en nous : c'est nous qui sommes en elles. Elles constituent un univers pour lequel nous sommes faits, sur lequel se modèle grossièrement l'autre, à cause de la matière, et qui doit être pris comme référence, pour que l'univers commun des hommes et l'univers de chaque homme ne se détraquent point.
On ne sait plus cela, et c'est pourquoi tant de détraquements se constatent. On refuse de vivre « dans un autre monde », croyant se raidir dans sa foi en celui-ci. Mais si celui-ci n'est que l'autre même en sa manifestation imparfaite et besogneuse ? S'il est une traduction dont le texte est ailleurs ? Si le moment éternel des choses est le secret de leurs heureux changements, et si l'oubli de ce type permanent, de ce chiffre, assure leur ruine ?
Se croira-t-on d'autant plus d'esprit qu'on a nié l'Esprit ? Alors, périsse l'esprit ainsi avili, dans le péril et la prompte catastrophe du monde! L'homme spirituel proteste contre une pareille profanation.
Il adhère à la devise d'Oxford : « Dieu est ma lumière », parce qu'il a reconnu qu'en toutes choses l'idéal est le père des réalités qui valent et qui durent, et que l'idéal est Dieu.
Extrait de : RECUEILLEMENT. Œuvre de A. D. Sertillages O.P. (1935)
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