A la condition de bien vivre, on n'a pas besoin de penser à la mort. Oui, il est vrai que cette pensée peut nous aide à bien vivre cette courte vie.
Quand elle viendra, oui on recevra la mort avec grâce; on vivra cet instant comme on a vécu les autres; on en fera son dernier don au ciel, sa dernière soumission, son ultime sacrifice. Ce chant du cygne viendra parfaire la musique continue de la vie.
Parfaire la vie, c'est l'oeuvre de tout le temps que le Seigneur nous accorde ; il ne nous l'a donné que pour cela. Le dernier instant n'a pas à cet égard de privilège exclusif. Ce jeune saint le savait qui, jouant et interrogé sur ce qu'il ferait à l'annonce de sa mort sur l'heure, répondait : « Je continuerais ma récréation. » Celui-là avait compris qu'on meurt tout le temps, même quand on folâtre; qu'on vit tout le temps, même en l'acte appelé mort, et que l'unique question est de bien mourir dans les deux cas, et dans les deux cas de bien vivre.
C'est ce qui a lieu non point quand on s'attarde et s'hypnotise à l'idée de la mort, mais quand on se tient attaché aux choses éternelles. On meurt alors perpétuellement dans le Christ, comme le veut l'Apôtre, c'est-à-dire qu'on vit avec le Christ là où il est, détaché de la terre. Et là où vous avez perpétuellement vécu, la mort vous trouve. Elle n'y change rien, sauf qu'elle fait voir ce qu'on avait cru, et qu'elle fait posséder ce qu'on avait aimé dans l'attente.
C'est immense pour la joie; pour l'état spirituel, ce n'est rien; au cours de la destinée, c'est une suite; il n'y avait pas à s'en inquiéter; ce n'est pas là notre affaire, mais bien l'affaire de Dieu.
Pourquoi attendre la mort, pour entrer dans la vie éternelle? Écoutons la définition par Celui qui l'annonce : « La vie éternelle, ô mon Père, c'est qu'ils te connaissent, toi, seul Dieu vrai, et Celui que tu as envoyé, Jésus-Christ. » Le Sauveur ne nous dit point de passer pour cela par la tombe. C'est, qu'il nous invite au Royaume des cieux. Reconnaître le vrai Dieu, le vrai Christ, à la place des idoles de la terre, et leur donner son culte : puisque c'est la vie éternelle, cela nous donne le droit d'oublier la mort, comme le fervent des plaines d'Italie oublie le Simplon, le Gothard et leur nuit sous terre, alors que sa ferveur anticipe et que l'espoir tient.
La consigne du chrétien est donc de faire son choix entre ce monde voulu pour lui-même, et l’autre; de tout quitter sans cesse en esprit, ce qui ne survit pas; après cela, de s'en remettre à Dieu, sachant que la bonne façon de préparer la mort, et, par elle, notre vie ultérieure, c'est, dans la vie présente, d'être toujours prêt à partir.
Extrait de : RECUEILLEMENT. Œuvre de A. D. Sertillages O.P. (1935)
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