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Que sert à l'homme de gagner l'univers s'il perd son âme

13 septembre 2014 6 13 /09 /septembre /2014 19:25

Voila une expression qu'on entend souvent autour de soi et qui donne naissance à bien des procès, d'où surgissent des haines entre les familles, et la ruine de plusieurs d'entre elles.

 

Mais pourquoi les hommes exigent-ils si impérieusement ce qu'ils estiment leur revenir en justice, pourquoi sont-ils à cheval sur leurs droits, selon l'expression populaire ?

 

C'est la cupidité ou l'opiniâtreté qui pousse à ne céder en rien.

 

Quelle déplorable passion ! Quel amour-propre mal placé ! C'était la réflexion que je faisais involontairement l'autre jour en voyant un gamin emplir une cruche d'eau à une fontaine. Arrive un autre gamin qui prétend passer le premier et re­pousse la cruche du pauvre garçon. « La fontaine est pour tout le monde, déclare-t-il, j'ai aussi bien que toi le droit d'y pui­ser. » L'autre répond qu'elle est avant tout au premier occu­pant. Et alors voilà une rixe, au cours de laquelle l'un des combattants a un œil poché et l'autre sa cruche cassée ! N'est-ce pas bien joli ?...

 

Hélas ! Que de personnes ne sont pas plus sensées que ces deux gamins ! Et même des personnes qui se piquent de vi­vre en bonnes catholiques, en fidèles observatrices de la Loi évangélique... Comment est-il possible de pousser jusque-là l'illusion !

 

Dernièrement, je fis aussi la rencontre d'un cam­pagnard, qui m'avait longuement entretenu, l'année dernière, d'un procès à propos de deux lopins de terre labourable, dont un parent lui contestait la propriété.

 

— Eh bien ! Lui dis-je, est-ce terminé ?

— Oui, me répond-il froidement, c'est terminé...

— Bravo ! Les deux lopins sont donc à vous ?

— A moi ? Ma loi, non.

— A votre adversaire ?

— Pas davantage.

— Mais à qui donc alors ?

— L'un appartient maintenant à mon avocat, et l'autre à l'avocat de mon adversaire...

 

 Et pourtant, ajouta-t-il, mon avocat m'a dit que l'affaire avait très bien fini, que je devais m'en féliciter, parce qu'il avait craint longtemps qu'elle n'eût pas un aussi bon résultat. »

 

Il paraît donc qu'en matière de procès tout «n'est pas bien qui finit bien», à moins que ce ne soit pour les avocats...

 

Il est arrivé dans mon pays de montagnes, où l'on nourrit beaucoup de chèvres, une singulière aventure dont deux de ces animaux furent les acteurs. Une chèvre bien grasse et ro­buste broutait toute seule dans un endroit fort escarpé. Elle avait grimpé de plus haut en plus haut, de roc en roc, le long des sapins, cherchant les touffes d'herbe et le serpolet qui poussaient par-ci, par-là, entre les fentes des pierres.

 

Enfin, elle se trouva au pied d'un talus si raide, que même une chè­vre n'y pouvait grimper. C'était comme si on eût essayé de gravir un grand mur. Mais il y avait un sentier très étroit qui tournait autour du rocher ; la chèvre le prit. Juste au mo­ment où elle arrivait de l'autre côté, elle se trouva face à face avec une autre chèvre qui était en marche dans le même sen­tier. Qu'y avait-il à faire ?

 

Le chemin était tout juste assez large pour une seule chèvre, de sorte que si toutes deux essayaient d'y passer, l'une d'elles, ou les deux tomberaient dans le précipice et se tueraient. Il n'y avait pas la place de se retourner.

 

Tandis qu'elles restaient à se regarder, un homme, qui passait à quelque distance, les remarqua et courut ap­peler ses voisins, dans un village proche delà, pour voir ce qui allait arriver.

 

Il y eut bientôt une assez grande foule de gens réunis au bas de la montagne. Avanceront-elles ? — Recu­leront-elles ? — Se demandait-on.

 

Enfin, l'une des deux chèvres, pliant d'abord une patte, puis l'autre, et se serrant contre le roc, se coucha par terre : alors l'autre passa dessus avec précaution ; après quoi, celle qui était couchée se releva lentement et toutes deux  poursuivirent leur chemin.

 

Les témoins battirent des mains en voyant ces chèvres si avisées s'en tirer si bien, car, supposé que ni l'une ni l'autre des deux n'eût voulu cé­der et se coucher par terre afin que l'autre passât sur elle, que serait-il arrivé ?

 

Toutes deux seraient mortes de faim, ou elles se seraient poussées pour passer, et seraient tombées du haut des rochers dans le précipice. Mais maintenant, la­quelle des deux chèvres faut-il estimer davantage ?

 

C'est assurément celle qui a cédé et qui s'est couchée par terre.

 

Céder, oui, voilà bien ce qu'il y a de plus sage, de plus chré­tien, ce qui aussi nous prépare le plus de contentement. Ils l'avaient bien compris les habitants du village de Solles, qui, fatigués de leur arpenteur géomètre dont la présence était une source de brouilles et de discordes pour les cultivateurs, résolurent de s'en défaire et, pour y parvenir, se promirent mutuelle­ment de ne jamais l'employer ; à coup sûr, le pauvre homme devrait aller chercher fortune dans une autre localité.

 

Mais, pour se passer du géomètre, on convint que chacun, au lieu d'empiéter sur la terre du voisin, resterait vingt-cinq centimètres en deçà de la ligne de démarcation. Ainsi fut-il fait, et le géomètre délogea.

 

Lectrices chrétiennes, le procédé de ces braves paysans pourrait nous suggérer à toute une excellente pratique. Au lieu de tant parler de nos droits, et de chercher à nous gran­dir au détriment du prochain, restons un peu en deçà de ce que nous croyons avoir le droit d'exiger...

 

D'autre part, au lieu d'oublier nos devoirs, faisons un peu au delà de ce qu'ils ré­clament de nous ; servons à autrui une bonne et large me­sure.

 

Il n'y aura bientôt plus ni disputes, ni procès.

 

Si seulement ce moyen était mis en pratique dans la fa­mille, surtout entre frères et sœurs, que d'avantages il en résulterait !

 

Quelle paix et quelle douce intimité remplacerait bientôt les mécontentements, l'aigreur, le murmure et la chicane!

 

Oh! Faisons-nous une loi de pratiquer la charité chrétienne, et nous n'éprouverons aucune peine à suivre le conseil qui vient d'être formulé !

 

Extrait de : LECTURES MÉDITÉES  (1933)

 

elogofioupiou.over-blog.com

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