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Que sert à l'homme de gagner l'univers s'il perd son âme

16 février 2017 4 16 /02 /février /2017 11:17

JEAN-BAPTISTE.   Chapitre II

Après s'être occupé de divers soins dans l'intérieur de la maison, Louise prit son rouet et vint se placer près de son père. Celui-ci lui rappela qu'elle n'avait pas dîné. Elle n'osa pas lui répondre que l'inquiétude où elle commençait à être sur le compte de son fils lui otait l'appétit, et retint sur ses genoux le vase que le vieillard y plaça lui-même, et dans lequel il avait su conserver chaudement la soupe, dont il avait mangé lui-même deux heures auparavant avec Jean-Baptiste. Mais il s'aperçut promptement qu'elle ne mangeait pas.

— Tu ne manges pas? lui dit-il, tu es inquiète. Je ne sais même pas t'épargner des ennuis ? Sot et inutile vieillard, que fais-je en ce monde ? Mon Dieu, que fais-je en ce monde !

— Père! je suis là, ma main presse la vôtre, mes regards s'arrêtent, avec bonheur sur vous, et vous demandez ce que vous faites en ce 'monde! Ce n'est pas bien. Si Jean-Baptiste est parti sans vous rien dire, il a cédé à sa nature indisciplinable, vous  n'y pouviez rien.

— Si, ma fille, j'aurais pu lui défendre de sortir, d'aller parler dehors à Joseph; je ne l'ai pas fait, parce que je ne suis bon à rien : je ne sais que gâter l'enfant et te faire de la peine. Mais il ne lui sera point arrivé de malheur, va! Il ne tardera pas à rentrer. 0 mon Dieu, renvoyez-le-nous tout de suite ! Ce n'est pas pour moi que je vous demande cette grâce, c'est pour sa pauvre mère !

— Mais, père, rassurez-vous, je ne suis pas inquiète : ce n'est pas la première fois qu'il déserte ainsi la maison, et il ne lui est jamais rien arrivé. Je ne suis pas inquiète.

Et la tristesse que trahissait sa voix, les larmes qu'elle essuyait da ses paupières, démentaient l'assurance qu'elle donnait à son père.

— Eh bien! si tu n'es pas inquiète, lui dit le vieillard, si tu n'as pas de chagrin,  mange donc. Depuis ce matin, quatre heures, tu n'as rien pris : mange, ma fille, je t'en supplie !

Louise fit un effort pour complaire à son père, mais tout ce qu'elle portait à sa bouche lui paraissait amer, et son cœur oppressé se refusait à toute nourriture. Elle tressaillit tout à coup sur sa chaise.

— Père, avez-vous entendu ? dit-elle en se levant.

— Non, répondit le vieillard, qu'y a-t-il ?

— Jean-Baptiste revient.

— Jean-Baptiste ! tu es sûre ? Je n'ai rien entendu.

— J'ai reconnu sa voix comme il devait passer devant la maison à Jean-Pierre.

Cette maison à Jean-Pierre était assez loin; il fallait que Louise eût presque autant deviné qu'entendu son fils; et pourtant, elle ne s'était pas trompée, car peu après ces dernières paroles, la porte s'ouvrit brusquement, et un grand et beau garçon, à la mine fraîche et éveillée, à la chevelure blonde et bouclée, se précipita plutôt qu'il n'entra dans la maison. Saluant d'un ton résolu :

— Me voilà! dit-il.

Apercevant sa mère, il s'élança vers elle :

— Maman ! s'écria-t-il, maman est arrivée, quel bonheur ! Et il voulut l'embrasser. Elle le repoussa doucement, et succom­bant à son émotion, elle se mit à fondre en larmes.

— Vous pleurez, lui dit-il, ma bonne mère, quel chagrin avez-vous ?

— J'ai un chagrin que personne ne peut m'ôter, dit-elle, quand elle fut devenue maîtresse de ses larmes, et d'une voix qu'elle s'effor­çait de rendre sévère : c'est d'être mère d'un méchant tel que vous.

— Maman, que dites-vous ? Eh! pourquoi me trouvez-vous méchant aujourd'hui ?

— Pourquoi, monsieur, dit le grand-père en affectant d'élever la voix; pouvez-vous le demander !

— Il le faut bien, grand-père, répondit tranquillement l'enfant, puisque je ne le sais pas.

— Vous ne savez pas que votre mère ne vous a pas trouvé ici, quand elle est rentrée, n'est-ce pas ?

Grand-père, je le regrette bien; mais je ne savais pas l'heure où maman devait rentrer.

— Ça, c'est vrai, il ne savait pas, cet enfant...

— Mais, mon Dieu! père, il ne s'agit pas de cela; mais j'avais défendu à monsieur Jean-Baptiste de vous quitter pendant mon absence, et il n'a été retenu auprès de vous, ni par la défense que je lui avais faite, ni par la pensée de ses devoirs envers vous! Eh bien ! je dis que l'enfant qui n'a ni respect pour sa mère, ni tendresse pour son grand-père, mérite d'être appelé un méchant.

— Oh! maman, s'écria le jeune garçon, vous savez bien le con­traire; vous savez que je vous respecte, et que j'aime le cher grand-père et vous de tout mon cœur.

Et grimpant sur le dos de la chaise de l'aveugle, derrière lequel il se trouvait placé, il l'embrassa à plusieurs reprises sur les deux joues.

— Cher enfant! lui disait tout bas le grand-père, en lui rendant ses baisers; va! dit-il à sa fille, pardonne-lui! si sa tête est mauvaise, son cœur est bien bon.

— J'étais sûre, père, que vous retomberiez bien vite dans votre faiblesse ordinaire pour ce méchant garçon.

— Encore, maman !

— Mais, monsieur, puis-je dire autre chose, quand vous laissez votre grand-père seul une partie du jour ? Et s'il lui arrivait quel­que accident, de qui donc réclamerait-il du secours ? Je ne pourrai m'absenter désormais sans inquiétude, car je me représenterais votre grand-père tout seul, et vous, monsieur, qui m'occupez beaucoup plus que vous ne méritez, je vous verrais courant les grands chemins comme un vagabond au risque de toutes les mauvaises rencontres que vous y pouvez faire.

— Oh! maman, je ne quitterai plus jamais mon grand-père, quand vous ne serez pas là. Mais je ne cours pas les grands chemins comme un vagabond. Pourquoi maman s'imagine-t-elle cela ? Quel plaisir trouverais-je sur la grande route ? j'aime bien mieux courir dans les bois : vous voyez, ma bonne mère, que je suis plus près de l'ermite que du vagabond.

— Je sais, monsieur, dit Louise, en réprimant un sourire, qu'à tout ce qu'on peut vous dire, vous avez toujours   réponse à tout, bonne ou mauvaise !

— Dame ! maman, toute attaque provoque une défense.

— Oui, reprit Louise, avec un peu plus de sévérité, de la part d'un petit garçon qui ne fait aucune distinction d'âge ni de rang, et qui serait bien fâché de s'humilier jamais sous la réprimande qu'il a pu s'attirer.

— Oh! maman, qu'avez-vous aujourd'hui contre moi? Si vous ne voulez pas que je vous réponde, je ne vous répondrai pas.

— Louise, tu es bien sévère ! dit le vieillard qui n'y tenait plus.

— Ma chère maman, je vous en conjure, ne soyez plus fâchée ! dit Jean-Baptiste, en jetant ses deux bras autour du cou de sa mère, malgré la feinte résistance de celle-ci à recevoir ses caresses.

— Vilain enfant ! dit-elle enfin, en le retenant sur son cœur, que tu es peu obéissant, et que d'inquiétudes ne nous causes-tu pas par tes absences si prolongées !

— Pardon ! ma bonne mère, pardon ! je ne quitterai plus la maison.

— Ah! je ne t'en demande pas tant, aie seulement soin de ne la point quitter sans permission, et jamais quand tu t'y trouves seul avec ton grand-père.

— Voulez-vous que je vous dise, ma chère maman, où j'ai été aujourd'hui?

— Ah ! je sais bien, dit le grand-père, à la décharge de son petit-fils, que c'est le fils à Jean-Pierre qui t'a entraîné; sans lui, tu ne pensais pas à sortir!

— Entraîné ! répéta le jeune garçon surpris; personne ne m'entraîne, je ne vais jamais que là où j'ai résolu moi-même d'aller. Joseph m'a appris que c'était aujourd'hui que mademoiselle de Saint-Valéry ren­trait au château, et qu'on lui préparait une fête. La curiosité m'a pris, et je suis descendu à Ville-Dieu, sans songer à prévenir grand-père.  — Le prévenir, est ce donc assez ?  lui demanda la mère avec l'accent du reproche.

— Non, maman; j'aurais dû lui demander la permission de sortir, ou plutôt j'aurais dû ne pas le quitter, mais je vous ai promis de ne plus retomber dans cette faute.

— Allons, n'en parlons plus, dit la mère; sois seulement à l'avenir un sage et obéissant garçon.

— Oui, maman, vous verrez.

A cette réconciliation définitive de Louise avec son fils, la figura de l'aveugle se rasséréna complètement. Elle prit une telle expression de tranquille et profonde satisfaction, que l'enfant qui le considérait alors, en fut frappé, et lui dit vivement :

— Grand-père, ne bougez pas ; ne changez rien ni à votre pose, ni à l'air de votre figure, je vais reprendre votre portrait.

— Comment ! tu veux encore ennuyer ton grand-père?

— Laisse-le, fille, laisse-le, puisqu'il croit pouvoir faire mon portrait.

— Mais, père, comment voulez-vous qu'il fasse votre portrait? îî faudrait au moins qu'il sût dessiner.

— Puisque ça l'amuse, cet enfant.

— Vous ne remuez pas, grand-père? cria Jean-Baptiste, qui avait été chercher un vieux carton où il renfermait soigneusement ce qu'il appelait nos dessins.

— Non, non, répondit le vieillard, je suis toujours dans la même position.

L'enfant revint, s'assit sur un escabeau à quelque distance de son grand-père, mit son carton sur ses genoux, après en avoir tiré un carré de papier sur lequel se voyait une grossière esquisse, et dès qu'il fut prêt, il dit gravement :

— Je commence : attention, grand-père!

— Et moi, je vais filler, dit Louise.

Il y eut un long silence, pendant lequel on n'entendit dans la chau­mière que le bruit du rouet de Louise. Jean-Baptiste, absorbé dans son œuvre, n'ouvrait pas la bouche; le grand-père n'osait parler dans !a crainte de déranger sa pose, et Louise, toute recueillie dans le bon­heur que lui donnaient les êtres si chers qu'elle contemplait à quel­ques pas d'elle, n'avait rien à dire. Peu à peu cependant, sa pensée, moins concentrée, rencontra d'autres objets; elle se rappela le retour de mademoiselle de Saint-Valéry au château de Rosenval, après une absence de quatre ans, et fut curieuse de savoir si Jean-Baptiste l'avait vue. Elle ne craignit pas d'interrompre l'artiste pour l'inter­roger à ce sujet. Jean-Baptiste fit un bond sur son escabeau à la pre­mière parole de sa mère ; absorbé dans son œuvra, il avait complétement perdu de vue qu'il n'était pas seul dans la chambre. Il se montra disposé à répondre, mais comme il ne savait pas apparemment faire deux choses à la fois, il déposa son crayon et dit à son grand-père, avec un sérieux comique, qu'il pouvait se reposer.

— Oui, je l'ai vue, chère mère, dit Jean-Baptiste; elle est un peu pâle, mais si belle, si belle, qu'elle m'a rappelé tout de suite la sainte Vierge de notre chapelle. Tout Ville-Dieu, je crois, et notre village aussi, s'étaient portés à sa rencontre; la grande avenue qui mène à Rosenval était couverte de monde; je n'en ai jamais vu autant. Mais tout ce monde m'empêchait de voir; je n'apercevais que le haut de la voiture, et ce n'était pas mon compte. J'avais un moment pensé à grimper sur un arbre, mais je me suis rappelé à temps que vous aie la défendez, parce que cela ose les pantalons. Vous voyez bien, maman, que je n'oublie pas toutes vos détenses. Au milieu de tous mes embarras, voilà un grand mouvement qui se fait; on dételle les chevaux pour fendre plus d'honneur à  mademoiselle. Je veux profiter du moment, je pousse, je pousse, sans m'inquiéter de ce qu'on dit de moi à mes côtés, et, au prix de quelques coups de poings que je reçois de droite et de gauche de la part de ceux que mon passage contrarie, j'arrive jusqu'à la voiture.

— Quel enfant !  Mon Dieu, quel enfant ! dit la mère avec une sorte de tristesse; rien ne lui est obstacle, quand il s'est mis quelque chose en tête !

— Mais, maman, je ne serais pas un homme, si je n'avais pas de volonté. J'escalade une des roues, je penche ma tête vers une des portières, et je me trouve nez à nez avec mademoiselle de Saint-Valéry. Elle avait à ses côtés une jeûne dame qui est aussi très-jolie, mais je ne m'y suis pas trompé, je l'ai reconnue tout de suite, et pourtant j'étais encore si enfant quand elle a quitté Rosenval, que je ne me la rappelais pas du tout ! Je vous dis, mère, qu'elle ressemble à la sainte Vierge de la chapelle. « Vive Valentine de Saint-Valéry? » Criait-on autour de la voiture, pendant que les hommes s'y attelaient; pour moi, je ne disais rien, j'étais trop occupé à l'admirer; tout d'un coup, elle me sourit, comme je crois voir sourire notre sainte Vierge, quand je l'ai priée longtemps, et je me mets à crier plus fort que les autres : « Vive Marie qui nous l'a rendue! » Oh! Mère, je vous donne maintenant à deviner en mille ce qui m'est arrivé?

— Eh! quoi donc de si extraordinaire? demanda la mère un peu intriguée.

— Elle m'a pris la tête entre ses deux mains, et m'a donné un bai­ser sur le front, mais là, un de ces bons baisers comme je croyais n'en recevoir jamais que de vous ! J'ai été à l'instant pris d'éblouissements; je ne sais comment je ne suis pas tombé; il paraît que je m'y tenais bien. « Quel est ton nom ? me demanda-t-elle d'une voix douce comme doit être la voix des anges. — Jean-Baptiste pour vous servir, lui dis-je. — Jean-Baptiste, répéta-t-elle, voilà un nom qui promet. Eh bien ! Jean-Baptiste, il faut venir me voir quelquefois. » Les hommes me crient de descendre, la voiture se met en mouvement, mais de loin Mademoiselle me faisait de petits signes d'amitié.

— Comment! une grande dame a embrassé mon Jean-Baptiste ! là, comme ça, n'est-ce pas?

Et la mère couvrait de baisers le front de son fils.

— Ah! tout de même, dit l'enfant en entourant, sa mère de ses deux bras, mais son baiser ne valait pas ceux-là! Les vôtres, ma bonne mère, sont bien plus doux encore.

— Je le crois bien, va! qui peut t'aimer comme moi pour t'embras­ser de même ? Dis-moi, mon ange, tu iras au château ?

— Oh !  Non.

— Pourquoi !

— Je n'oserai ?

— Puisqu'elle te l'a ordonné.

— Ordonné ? mère, elle n'a rien à m'ordonner.

— N'est-ce pas, père, dit Louise, que son devoir est de se rendre au château ?

— Certainement, ce serait très-bien de sa part, répondit le grand-père, mais cependant s'il n'ose pas aller là, cet enfant...

— Il n'est pas d'un caractère si timide, il a bien osé s'approcher d'elle aujourd'hui.

— C'est bien différent, mère, répondit l'enfant; elle était sur le grand chemin, et le grand chemin appartient à tout le monde. Puis cette foule qui l'entourait, ces cris dont l'air retentissait, tout cela me donnait de la hardiesse, mais chez elle, dans son beau château, seul en sa présence... oh! mère, jamais!

— Elle te recevrait bien cependant,  c'est sûr. Mon petit Jean Baptiste, il faut y aller, tu lui dois bien cette marque d'obéissance.

— Maman, je ne dois obéissance qu'à vous et à mon grand-père, et d'ailleurs, je crois bien qu'elle n'a pas du tout pensé à me donner un ordre.

La bonne Louise respectait trop l'innocence de son fils pour lui livrer le fond de sa pensée. Elle ne se défendait pas d'un peu d'ambition pour lui, et voyait déjà l'avenir de Jean-Baptiste assure, s'il ne laissait point s'effacer l'heureuse impression qu'il avait produite sur la jeune comtesse. Mais elle épuisa vainement toutes ses ressources diplomati­ques, l'enfant ne céda point. Il était bien décidé à ne pas se présenter au château. Louise, en soupirant, cessa d'insister.

— Monsieur le curé doit être chez lui maintenant, dit-elle après un moment de silence; il veut te voir, Jean-Baptiste; sera-t-il plus heu­reux que la comtesse ?

— Oh ! pour celui-là, mère, c'est comme vous ! tout ce qu'il veut, je le veux aussi.

Et l'enfant était sincère. Il savait si peu ce qu'un fils doit de soumis­sion et de respect aux volontés de ses parents, qu'en dépit de ses opiniâtres résistances, il ne pensait pas qu'on pût avoir rien à lui reprocher en fait d'obéissance. Il avait repris son dessin pour y don­ner encore quelques coups de crayon, avant de le replacer dans le carton, et le présentant à sa mère :

— Reconnaissez-vous mon grand-père ? lui dit-il.

Louise poussa un cri de surprise et d'admiration, car la gros­sière esquisse qu'elle avait sous les yeux, reproduisait vraiment les traits et la physionomie de son père. Elle embrassa follement son fils.

— Où a-t-il pris ce talent? répétait-elle à son père en comparant sans cesse la copie avec l'original ; c'est bien vous, je vous reconnais. L'homme qui a passé l'été dernier par ici ne faisait pas mieux!

— Est-ce qu'il t'a donné des leçons, demanda tout radieux le grand-père à son petit-fils, pendant qu'il faisait les portraits de la femme à Jean-Pierre et de celle à Jean-Marie ?

— Non, mais je le regardais faire ; et puis, j'ai copié je ne sais com­bien de fois les deux images qu'il m'a données ; c'est dommage que les crayons que je tiens aussi de lui tirent à leur fin ; après le portrait de grand-père, je ne pourrai plus rien faire?

— Je t'achèterai d'autres crayons, dit Louise qui contemplait encore le dessin de l'enfant, où se voyait une complète ignorance des règles de l'art, mais une révélation merveilleuse de l'art lui-même.

Jean-Baptiste, joyeux d'avoir enfin intéressé sa mère à ses barbouil­lages, se disposait à se rendre chez le bon abbé, quand elle lui pré­senta la tarte aux pommes et la toupie achetées au marché.

— Ton travail mérite bien cette petite récompense, lui dit-elle, avec un ravissant sourire de l'amour maternel.

— Oh ! mère, que vous êtes bonne ! s'écria Jean-Baptiste en sautant de joie; une toupie comme celle de Joseph, le richard du pays ! Une  toupie ! Quel bonheur !

Il mordait dans la tarte, ficelait la toupie, embrassait sa mère, et, absorbé par ces soins divers, il oubliait sa visite à l'abbé. Ce fut bien autre chose, quand la toupie eut été lancée dans la chambre. Sa mère dut bien lui rappeler cinq ou six fois sa visite, avant d'obtenir son départ. Aussi vint-il si tard chez le bon abbé, qu'il ne trouva plus que Geneviève à qui, selon sa coutume, il fit mille espiègleries. L'abbé était allé passer la soirée chez un curé des environs : l'entretien qu'il avait voulu se ménager avec Jean-Baptiste ne pouvait plus avoir lieu que le lendemain. Le jeune garçon promit à Geneviève de venir de bonne heure.

Extrait de : LA CHAUMIÈRE DE HAUT-CASTEL, ou  LA  FOI  VICTORIEUSE  DE  L'ORGUEIL;   par  E. BENOIT(1853)

Elogofioupiou.over-blog.com

 

 

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