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Que sert à l'homme de gagner l'univers s'il perd son âme

27 octobre 2017 5 27 /10 /octobre /2017 11:11

MÉDITATION SUR  LA   MORT…                 

1.  Mettez-vous en la présence de Dieu.

2.  Demandez-lui sa grâce.

3. Imaginez-vous, malade sur votre lit de mort, sans espérance aucune d'y échapper.

Considérations

1. Considérez l'incertitude  du jour de votre mort. O mon âme,   vous sortirez un jour de  ce  corps.   Quand sera-ce ! Sera-ce en hiver ou en été ? A la ville ou au village ? De jour ou de nuit ?   Sera-ce à l'imprévu  ou avec avertissement ? Sera-ce de maladie ou d'accident ? Aurez-vous le loisir de vous confesser, ou non ?   Serez-vous assistée de votre confesseur et Père spirituel ! Hélas !   De  tout   cela  nous n'en savons rien du tout ; seulement cela est certain que nous mourrons, et toujours plus tôt que nous ne pensons,  peut-être sans avoir pris les précautions.

2. Considérez   qu'alors   le   monde finira  pour   ce   qui   vous   regarde, il n'y en aura plus pour vous ; tout ­sera sens dessus    dessous devant vos yeux.  Oui, car alors les plaisirs, les  vanités,  les  joies   mondaines,  les affections   vaines   nous   apparaîtront comme des fantômes et nuages. Ah ! Chétive, pour quelles  bagatelles  et chimères ai-je offensé mon Dieu ? Vous   verrez, que  vous  avez  abandonné Dieu pour le néant.   Au   contraire, les dévotions et les  bonnes  œuvres  vous sembleront alors si désirables et si douces : et pourquoi  n'ai-je  suivi  ce beau  et gracieux chemin ?  Alors les péchés qui semblaient bien petits paraîtront gros comme des montagnes, et votre dévotion bien petite.

3. Considérez les grands et langou­reux adieux que votre âme dira à ce bas monde : elle dira adieu aux richesses, aux vanités et vaines com­pagnies, aux plaisirs, aux passetemps, aux amis et voisins, aux parents, aux enfants, au mari, à la femme, bref, à toute créature ; et, en fin à son corps, qu'elle délaissera pâle, hâve, défait,  hideux  et puant.

4. Considérez les empressements qu'on aura pour enlever ce   corps-là et le cacher en terre, et après cela, le monde ne pensera plus guère a vous, ni n'en sera plus mémoire, pas plus que vous n'avez pensé aux autres : Dieu lui fasse paix, dira-t-on, et puis, c'est tout. O mort, que tu  es  importante, de grande consé­quence  que tu  es impi­toyable !

5. Considérez qu'au sortir du corps, l'âme suit son chemin, à droite ou à gauche. Hélas ! Où ira la vôtre? Quelle voie prendra-t-elle ? Le même  qu'elle aura commencée en ce monde.

Affections et résolutions

1.  Priez le bon Dieu et vous jetez entre ses bras. Hélas ! Seigneur, recevez-moi en votre protection pour ce jour effroyable ; rendez-moi cette heure heureuse et favorable, et que toutes les autres de ma vie me soient tristes et d'affliction.

2. Méprisez le monde. Puisque je ne sais l'heure à laquelle il me faudra tout quitter, ô monde, je ne veux point m’attacher à toi.

O mes chers amis, mes chères alliances, permettez-moi que je ne vous affectionne plus, que par une sainte amitié, qui puisse durer éternellement,  puisqu'il faudra quitter et rompre cette liaison ?

3. Je veux me préparer à cette heure, et prendre tous les moyens requis pour rendre ce passage heureux; de tout mon pouvoir je veux m’assurer que ma conscience sera prête à rencontrer mon Sauveur  comme un serviteur fidèle portant la robe nuptiale tel que requise.

Conclusion

Remerciez Dieu de ces résolutions qu'il vous a données ; offrez-les à sa Majesté ; suppliez-la de rendre votre mort heureuse par les mérites  de son Fils. Implorez  aussi l'aide de la Vierge et des Saints.

Un Pater, et un Ave Maria.

Faites ainsi un  bouquet  de  myrrhe.

Extrait de : Introduction à la VIE  DÉVOTE  -  St. François de SALES  (1948) 

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26 octobre 2017 4 26 /10 /octobre /2017 11:01

JE CROIS EN JÉSUS-CHRIST…                         

Nous voici au cœur même du Credo, à ce qui va lui donner sa plénitude de signification. C'est pourquoi je voudrais vous faire remarquer tout de suite la profondeur de cette double appella­tion, sur laquelle nous passons trop rapidement, en général : Jésus-Christ. Ce n'est pas simplement une manière quelconque de désigner Nôtre-Sei­gneur, ni même de le distinguer des autres Jésus mentionnés par l'Histoire, tel ce Josué (dont on a déformé le nom primitif) qui introduisit les Hébreux dans la Terre Promise.

En disant : Jésus-Christ, nous faisons plus que de nommer le Christ ou Jésus; nous disons de lui quelque chose. C'est un titre plutôt qu'un nom. Je vous disais que c'est le cœur même du Sym­bole, parce qu'en effet c'est toute la substance du message que les Apôtres eurent à transmettre en leur prédication, Ils se mirent à annoncer aux Juifs, leurs frères, que Jésus était le Christ. Et les Juifs savaient ce que cela voulait dire.

Nous ne le savons pas, nous, parce que nous connaissons mal l'Ancien Testament. Que disions-nous la dernière fois ? « Je crois en Dieu le Père Tout-Puissant, créateur du ciel et de la terre. » Avez-vous jamais pensé que Dieu aurait très bien pu en rester là de sa révélation; ne pas en dire plus long et nous laisser aux seules forces de notre rai­son. Est-ce ce qu'il a fait ? Nous savons au con­traire qu'il s'est révélé à nous bien plus complè­tement et c'est ce qui nous oblige à remonter le cours de l'histoire du monde pour en prendre une vue .nouvelle, autrement large et compréhensive que nos simples vues humaines.

Or, dès que l'on entreprend ce survol de l'His­toire, un fait capital s'impose à l'esprit : l'exis­tence d'un peuple absolument unique au monde, le peuple juif. Unique, il l'est à tous égards. Quelle autre race voyons-nous qui, avec un point de départ aussi insignifiant, se soit ainsi répandue à travers le monde entier ? Quelle autre race a jamais conservé au cours des siècles, presque sans altération, ses caractéristiques essentielles ? Quelle autre a su résister, comme elle, à l'in­fluence des nations voisines, et a réussi, avec si peu de conquêtes, à prendre une place de pre­mier plan dans l'Histoire !

Les Juifs, il faut le reconnaître, sous quelque aspect qu'on les considère, ne ressemblent à aucun peuple, et l'un des traits principaux de leur caractère national, c'est d'être toujours tourné vers l'avenir; ils regardent ce que cet avenir va leur apporter de bon, au lieu de gémir inutilement sur le passé.

De nos jours, une telle attitude d'esprit est peut-être moins surprenante, parce que nous som­mes habitués à nous tourner vers l'idole du Progrès qui nous donne l'illusion, d'un monde en perpétuelle amélioration. Mais cette concep­tion est tout à fait moderne; elle ne date guère que du XVIIIe siècle. Jusque-là, la tendance générale était plutôt de regretter le passé, comme si rien de meilleur n'était à espérer de l'avenir, Nous la trouvons déjà au temps d'Homère, où le monde cependant était encore relativement jeune. Toute la littérature classique est pleine d'allusions à un âge d'or, l'âge de Saturne, où les hommes ne connaissaient que l’honneur et où la guerre n'existait pas. Rien de semblable dans la littéra­ture hébraïque, telle que nous la connaissons par l'Ancien Testament. Les Juifs savaient parfaite­ment que l'homme avait perdu le Paradis ter­restre, c'était écrit en toutes lettres au troisième chapitre de la Genèse; mais ils ne s'attardaient pas à se lamenter sans fin sur l'événement, et c'est justement ce qu'il y a de plus typique dans leur cas. « Voici que des jours viennent. » « Des jours vont venir, dit le Seigneur... » C'est un refrain courant dans la littérature juive.

Parcourons rapidement l'histoire de ce peuple extraordinaire. Elle commence avec les patriar­ches : Abraham, Isaac, Jacob; autant de noms qui nous sont familiers. Nous imaginons fort bien ces personnages : Abraham, vieillard respectable, drapé dans sa dignité, mais probablement bien différent du type que nous lui prêtons. Ce devait être un rude chef du désert, qui avait installé ses troupeaux dans les plaines de Chanaan et les fai­sait paître, avec quelque trois cents hommes de son clan en sous-ordres. En apparence, un chef pareil à ceux de son temps et de son milieu. Mais si nous avions abordé Abraham, je gage que quelque chose nous aurait frappés en lui : cet homme vivait dans le futur. Sans doute nous aurait-il fait part de la promesse, reçue de Dieu, que sa race hériterait de toute la terre de Chanaan; mieux encore : il détenait cette autre promesse que de sa postérité naîtrait Celui en qui devaient être bénies toutes les nations de la terre.

Et le rêve s'était transmis d'Abraham à son fils Isaac et de celui-ci à Jacob. Sur la fin de sa vie, Jacob émigra en Égypte avec toute sa famille et y prospéra, parce qu'un lot considérable de bonnes terres lui avait été concédé; ce qui ne l'empêcha pas, en mourant, de faire jurer à ses fils que ses ossements seraient tôt ou tard rapportés en Chanaan. Pour lui, cette bande desséchée de la côte du Levant était une Terre Sainte, et il ne vou­lait pas reposer ailleurs.

Cependant, les descendants de Jacob étaient devenus impopulaires en Égypte et ils y furent bientôt réduits en esclavage. On les employait de force à des travaux pénibles, peut-être à bâtir les pyramides, Il fallut que le héros national, Moïse, les délivrât de cette servitude, en les conduisant à travers le désert d'Arabie. Ils devaient y errer pendant quarante ans, avant de s'établir pour de bon sur cette même terre de Chanaan, définitive­ment conquise, où leurs aïeux avaient fait figure de simples propriétaires de bétail. Mais sur le point de mourir, Moïse avait fait une singulière prédiction : n'avait-il pas annoncé que Dieu sus­citerait un prophète semblable à lui, et qu'à ce prophète-là le peuple ferait bien d'être attentif.

A partir de ce jour, les Juifs n'avaient cessé d'attendre le prophète qui serait un second Moïse. Tous ceux qui s'élevèrent dans la suite  et il y en eut de fameux : Elie et Élisée, pour ne citer que les plus célèbres ne leur firent jamais prendre le change. Jamais ils ne virent en eux le Prophète attendu, celui qui devait sauver Israël et le délivrer de ses ennemis comme l'avait fait Moïse.

Le temps passa. Et les Juifs se mirent en tête d'avoir un roi. Le premier en tête de liste  Saül ne fut pas un grand succès. Le second  David devait au contraire faire figure de héros natio­nal; mais, chose curieuse, tout ce qui fut écrit de lui ou par lui le fait apparaître surtout comme l'ancêtre et l'image d'un autre roi, qui serait beau­coup plus grand que lui et régnerait d'une extré­mité de la terre à l'autre.

A cette époque, on ne couronnait pas un roi sans l'oindre d'huile sainte. C'est pourquoi le grand Roi qui devait venir, le « Messie », fut appelé d'avance ce l'oint », Plus tard, lorsque les Juifs eurent appris le grec, ils traduisirent tout naturellement et littéralement « Oint » en « Christus », terme qui a la même signification. Dès lors ils n'attendirent plus seulement le prophète qui les délivrerait, mais le roi qui régirait le monde entier, un roi qui descendrait de la famille de David et que d'ores et déjà l'on désignait comme «le Christ ».

Le roi David a dû être à peu près contemporain d'Homère. Il vivait mille ans environ avant notre ère. Ces mille ans furent une rude époque pour les Juifs. Ils furent sans cesse envahis par les armées puissantes d'Assyrie ou de Babylone et finalement à peu près tous emmenés en captivité. Ce lamentable exil la captivité de Babylone dura environ cinq cents ans. Mais lorsqu'il leur fut permis de revenir dans leur patrie, les Juifs n'étaient plus qu'une nation insignifiante, en comparaison des années glorieuses qu'ils avaient connues jadis.

C'est surtout au cours de cette période d'épreu­ves que les prophètes avaient été nombreux. Et dites-vous bien que ces prophètes ne passaient pas leur temps assis à répéter : « Quel dommage ! Ce beau temps est fini ! Comme tout était bien aux jours de David et de Salomon ! » Au contraire, ils regardaient, eux aussi, vers l'avenir, ils disaient : « Comme ce sera beau, lorsque le Christ viendra nous délivrer ! »

Et de ces fugitives lueurs projetées sur l'hori­zon, car tout n'était pas clair, vous pouvez le croire, dans ce qu'annonçaient les prophètes, les Juifs apprenaient une foule de choses qu'ils n'avaient jamais réalisées jusque-là. Ils commençaient à comprendre que, s'ils étaient si sou­vent vaincus par leurs ennemis, c'était en punition de leur propre méchanceté : ils n'observaient pas la loi de Dieu, ils opprimaient les pauvres, ils adoraient des faux dieux, etc... Peu à peu ils en vinrent à comprendre aussi que le Christ devait les délivrer, non de leurs ennemis, mais de leurs péchés; que le règne de ce Christ serait un règne de justice et de paix, et pas du tout un temps de grandes vacances qu'ils passeraient à se diver­tir en se vengeant des nations qu'ils avaient opprimée».

Et puis, il y avait cette étrange histoire, parti­culièrement difficile à saisir, du Roi futur, du Christ qui devait souffrir, et réparer pour les péchés de son peuple. En même temps, il devenait de plus en plus clair que ce Roi, ce Christ, ne serait pas un homme comme les autres. Il viendrait du ciel, en quelque sorte, pour juger le monde. Il ressemblerait, au dire des prophètes, à un fils de l'homme, ce qui devait signifier, préci­sément, qu'il ne serait pas tout à fait comme n'im­porte quel fils de l'homme.

En somme, à cette époque, l'espérance d'Israël, passablement confuse encore, n'avait jamais été plus ferme. Si bien que, lorsqu’arriva le temps où devait s'accomplir la promesse, on pouvait voir de ces Juifs pieux dont l'Écriture dit «qu'ils atten­daient la consolation d'Israël ». (Lc, II, 38.) Ils attendaient le Christ qui allait venir, sachant que l'heure prédite pour son avènement par le pro­phète Daniel avait sonné.

Vous savez tous ce que c'est que d'avoir égaré la clé d'un tiroir et d'essayer avec celles que l'on peut avoir sous la main. Tout le trousseau y passe, jusqu'à ce que, chance inespérée, une clé tourne enfin dans la serrure... On la dirait faite exprès ! Et le tiroir s'ouvre sans difficulté.

Eh bien ! C'est ce qui s'est passé dans l'his­toire du peuple juif. Enfin une clé allait tout ouvrir, tout révéler. Un événement était survenu, qui allait exactement coïncider avec ce que l'on attendait. A Bethléem, un petit enfant était né d'une pauvre femme et on l'avait appelé Jésus. Cette mère si pauvre était de la race de David. Et on le savait si bien que, plus tard, les aveugles et les boiteux criaient : « Fils de David, ayez pitié de nous ! » (Mc, x, 47.) Ce n'est pas lui, Jésus, qui se donnait le nom de Fils de David. Lui-même se nommait le Fils de l'Homme (Mc, xvi, 27). Sans doute pour rappeler au peuple celui qui était attendu comme Juge d'Israël. Il parlait aussi de lui comme d'un prophète plus grand que Moïse, lorsqu'il disait aux fouies : « Moïse vous a dit ceci... Moi, je vous dis cela... » Et quand il questionnait ses disciples sur ce qu'ils pensaient de lui, n'est-ce pas le plus intime de ses familiers qui répondait : « Vous êtes le Christ  » Il ne permettait pas alors qu'on lui donnât ce nom couramment, mais plus tard, lors­que les princes des prêtres l'assigneront en juge­ment et lui demanderont : « Êtes-vous le Christ ? » il dira : « Je le suis, et nous nous retrouverons.

face à face quand je viendrai pour juger. » (Mc, XIV, 62.)

Le fils d'Abraham, le fils de David, celui qui s'est appelé le Fils de l'Homme, qui s'était dit plus grand que le prophète, qui s'est donné pour le fondateur d'un royaume, le Christ, ce Juge du monde, c'est Jésus de Nazareth. Et c'est parce que nous croyons à tous ses droits et à tous ses titres que nous disons : « Jésus est le Christ ! »

Le petit enfant de Bethléem, c'est le Christ, l’Oint du Seigneur, que les Juifs ont attendu pen­dant des siècles. On a trouvé la clé qui devait ouvrir la porte et noue révéler sur la vie surnatu­relle, sur le ciel, l'enfer et la rémission des péchés, tout ce qu'il nous importait de savoir.

Extrait de : LE CREDO  Mgr Ronald KNOX. (1959)

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25 octobre 2017 3 25 /10 /octobre /2017 03:07

CRÉATEUR DU CIEL ET DE LA TERRE…    

En traitant du premier article : « Je crois en Dieu », nous ayons déjà dit incidemment que le monde avait été créé par Dieu et que son exis­tence ne pouvait s'expliquer autrement. Et voilà qu'en retournant la même proposition en sens inverse nous nous trouvons devant un abîme de difficultés, ce Dieu a créé le monde. » Mais pour­quoi ? Quel besoin en avait-il ? De toute éternité il vit dans le ciel, se suffisant pleinement à lui-même, sans que rien ne manque à son bonheur et à sa gloire. Comment, donc, a-t-il pu vouloir autre chose ? Était-ce pour distraire sa solitude ? Comme si Dieu pouvait souffrir d'être seul avec lui-même ! Le dogme de la Sainte Trinité démolit d'un coup de pareils raisonnements en nous appre­nant que, de toute éternité, l'Intelligence infinie produit une pensée qui lui est égale, qui est une même chose avec elle; et c'est cette pensée divine que nous appelons le Verbe, la seconde Personne de la Sainte Trinité. Dans le même temps, entre l'Intelligence infinie et la pensée infinie jaillit un Amour éternel, qui va de l'une à l'autre en un flux et un reflux incessant : une troisième Personne enrichit donc la vie de Dieu et cet Amour éternel est appelé l'Esprit Saint. Il n'est donc pas de soli­tude pour Dieu. En sa propre existence trinitaire, il trouve l'exercice le plus parfait d'une activité débordante et féconde.

Il n'y a pas, en somme, d'explication vraiment satisfaisante du fait de la création. Nous savons qu'elle a eu lieu, puisque nous sommes là, mais c'est à peu près tout. Les théologiens ont beau nous dire qu'il « est de la nature de la Bonté d'être diffusive de soi », de sorte que la création serait une sorte d'immense effusion de la bonté toujours active de Dieu. Nous n'en savons pas beaucoup plus long, finalement, sur le sens du mot: « créer ». Nous savons que ni vous, ni moi, nous ne faisons jamais rien, à proprement parler, sinon « arranger » ce qui existait déjà, « Faire » la moindre chose, au sens rigoureux du mot, est pratiquement impossible. Vous pensez avoir fait une cabane à lapins, parce que vous avez disposé ensemble quelques planches, après avoir probable­ment démoli autre chose, mais rien n'existe de plus que ce qui existait auparavant.

Quand Dieu a fait le ciel et la terre, ce fut bien autre chose ! Rien n'existait auparavant, et il a dû commencer par tout appeler à l'existence ! Peut-être la manière la moins déconcertante d'envisager la question serait-elle de penser à ce qui se passe, lorsque vous écrivez un poème ou un roman. C'est tout différent, n'est-il pas vrai, de composer un poème ou de faire une version anglaise. Vous sentez bien que, votre poème une fois écrit, noir sur blanc, quelque chose de nouveau s'est mis à exister : la littérature s'est enrichie, si peu que ce soit, de ce quelque chose. Eh bien ! Lorsque Dieu crée, ce qui n'avait existé jusque-là dans sa pensée devient réalité. Et la même comparaison nous aidera à comprendre un peu le pourquoi de la création.

Dites-moi, quand vous écriviez votre poème, est-ce bien réellement vous qui vouliez l'écrire, ou n'est-ce pas plutôt votre poème qui voulait être écrit ? Votre imagination en était si remplie qu'elle ne pouvait pas, en quelque sorte, ne pas l'écrire. Peut-être avez-vous eu ensuite un petit mouvement de vanité en le faisant admirer à vos amis et connaissances, mais le fait d'écrire n'était pas vanité; vous cédiez simplement au besoin de vous exprimer.

En Dieu, il ne saurait y avoir de besoins d'au­cune sorte, mais peut-être pouvons-nous, de très loin, comparer cette manifestation de la bonté de Dieu que fut la création à l'irrésistible motion du poète ou de l'écrivain qui se met à écrire.

« Créateur du Ciel et de la Terre. » Le ciel dont il est question serait-il seulement le firmament constellé d'étoiles ? Il ne semble pas. Le Sym­bole de Nicée -— celui de la Messe — appelle Dieu « Créateur du ciel et de la terre, des choses visibles et invisibles ». Nous pouvons penser qu'il s'agit ici de tout l'ordre surnaturel, qu'aucun télescope ne nous fera jamais apercevoir, Et re­marquez, en passant, jusqu'à quelles profondeurs nous a déjà entraînés notre première affirmation : « Je crois en Dieu ». Il faut qu'il y ait un Dieu pour expliquer notre propre existence et celle des êtres qui nous entourent. Mais, en même temps qu'il se révèle à nous, Dieu nous apprend que le monde, dont nous sommes les témoins, est loin d'être toute la création. Il n'en est même qu'une toute petite partie, presque insignifiante, au regard de l'ensemble. Avez-vous jamais vu un iceberg au milieu de l'océan Atlantique ? De loin on dirait une montagne de glace, flottant à la surface de l'eau, tandis qu'en réalité la plus grande partie de cette masse est sous l'eau, invisible à vos yeux. Ainsi en est-il de la création. Nous n'en voyons pour ainsi dire qu'un petit bout, celui qui émerge... quelques milliers d'étoiles au milieu desquelles notre planète est un point à peine per­ceptible. Mais, au-dessous de cet ensemble et comme support de tout le reste, existe un monde qui ne se voit pas, un monde surnaturel. La Révé­lation seule peut nous en dire quelque chose et c'est bien peu ! Dieu a pour ainsi dire soulevé un coin du, voile, afin de nous donner un aperçu des merveilles qu'il nous cache; comme l'on fait pour le petit enfant, quand l'arbre de Noël n'est pas tout à fait prêt : on entrouvre la porte, juste pour lui faire entrevoir ce qui l'attend. Nous savons qu'il y a des anges, purs esprits qui servent Dieu jour et nuit et veillent sut nous par surcroît. Nous savons aussi qu'il y a de mau­vais anges, ennemis de Dieu et des hommes, qu'il y a un ciel à mériter, un enfer à éviter, un pur­gatoire à franchir le plus rapidement possible. Dieu nous fait entrevoir tout cela, puis il laisse retomber le rideau, comme s'il nous disait : «Cela suffit pour le moment. Vous aurez tout le temps de voir cela un peu plus tard. »

J'ai dit que la Révélation nous apprenait ces choses de l'au-delà. Mais déjà .notre raison nous les faisait pressentir. Si Dieu, pensons-nous, a pu créer quoi que ce soit, faudrait-il donc que cette création soit uniquement matérielle ? Nous savons, d'ailleurs, qu'il a fait des êtres composés à la fois de matière et d'esprit. Pourquoi, dès lors, n'au­rait-il pu faire une troisième sorte d'êtres, pure­ment spirituels ? Or, nous savons qu'il les a faits, ce sont les anges.

Il n'en est pas moins vrai que le monde invisible reste pour nous assez effarant. Tant qu'il est seu­lement question de notre monde à nous, fait d'es­prit et de matière, nous nous sentons plutôt à l'aise. Le monde de la matière peut être aussi vaste qu'il voudra, dépasser toutes les mesures et toutes les dimensions, cela nous gêne peu après tout; nous avons conscience de lui être par notre âme tellement supérieure ! Mais quand nous appre­nons que des millions d'anges « se tiennent devant Dieu », nous commençons à nous sentir extrême­ment petits; et nous nous demandons comment Dieu pourrait encore avoir besoin de nos services, alors qu'un nombre incalculable de Chérubins et de Séraphins s'emploient constamment à lui ren­dre leurs hommages. La création n'est plus cette petite affaire tout intime entre Dieu et nous, qu'elle nous paraissait être, mais une prodigieuse aventure au milieu de laquelle nous nous sentons perdus, comme balayés par un formidable courant d'air. Et nous en venons presque à regretter que Dieu l'ait réalisée sur un plan si grandiose !

Il faudrait, voyez-vous, que nous sachions re­garder tout cela avec un certain sens des propor­tions. Et la première chose à nous rappeler serait celle-ci : notre âme, chacune de nos âmes, repré­sente de la part de Dieu une création spéciale. Lorsque naît un animal quelconque — prenez un cobaye, par exemple — Dieu n'a pas, à propre­ment parler, à le créer. Son entrée dans l'exis­tence n'est qu'une suite de ce qui est impliqué dans le premier chapitre de la Genèse, où il est dit qu'après avoir créé les oiseaux, les poissons et les autres animaux, Dieu ajouta ce commande­ment : « Croissez et multipliez-vous, » (Gen., 22.) C'était dire équivalemment : « Je ne vais pas créer indéfiniment des oiseaux, des poissons, etc.; c'est fait une fois pour toutes, » C'est d'ailleurs en vertu de cette parole que votre corps — l'élément matériel de votre être — a commencé d'exister. Pour votre âme, c'est bien différent : vous ne l'avez pas reçue de vos parents, Dieu l'a créée exprès pour vous, pour aller avec votre corps; il l'a créée de rien, exactement comme il a créé le monde, ni plus ni moins. Il n'était pas obligé d'agir ainsi, c'est certain; c'est pourtant ce qu'il a fait, par un acte de sa volonté expresse; sa bonté infinie se répandait en vous; il pensait à vous spé­cialement et, maintenant encore, c'est ainsi qu'il pense à vous, à vous personnellement, tout autant que s'il n'avait pas des millions d'anges pour le louer et le servir.

Mais rappelez-vous bien que celui qui crée a droit de propriété sur la chose créée. Le poème que vous avez écrit est vôtre; si je m'en emparais, si je le signais et si je l'envoyais en mon nom à l'éditeur, vous auriez le droit de me poursuivre en justice. De même parce que Dieu vous a créés, vous appartenez absolument à Dieu. S'il vous demande de faire une chose ou vous interdit d'en faire une autre, vous ne pouvez pas dire : « Je ferai comme il me plaira. » Dieu vous possède comme son bien propre; il est votre raison d'être. Faire sa volonté devrait vous sembler beaucoup plus naturel que de faire la vôtre. Et aussi loin que Dieu veuille pénétrer en votre vie, il ne dépasse pas les limites de ses droits. De même que vous corrigez indéfiniment le poème conçu par vous, que vous en changez les rimes à votre convenance, parce qu'il est vôtre, de même Dieu, qui vous a faits ce que vous êtes, qui a construit de ses mains le cadre de votre vie et toutes les circonstances, peut dispo­ser de vous à son gré. Dieu peut permettre qu'une personne riche devienne soudainement pauvre, qu'une autre, très belle, soit défigurée par un accident, il ne fait en cela rien qui outrepasse ses droits.

 « Le Seigneur avait donné, le Seigneur a repris.  Que   le   nom   du  Seigneur soit béni. » (Job., I, 21.)

Maintenant, ne me demandez pas pourquoi Dieu a fait le ciel et la terre, tels qu'ils sont, et non pas autrement. A cela pas de réponse, pour la bonne raison, d'abord, que personne ne peut savoir ce que le monde aurait été sans la chute originelle ou, si vous préférez, ce qu'il aurait été dans le cas où Dieu, en créant Adam et Ève, n'au­rait pas prévu la chute. Le récit de la Genèse semble indiquer que les ronces et les épines, ces fléaux des cultivateurs, n'étaient pas dans le plan primitif de Dieu et que, en tout cas, elles n'avaient pas, au début, la désespérante vitalité que nous leur connaissons.

Mais quoi qu'il en soit des spéculations théolo­giques sur le sujet, il est difficile de dire, au nom de la seule philosophie, quelle sorte de monde Dieu aurait bien pu faire, s'il n'avait pas fait celui qui, de fait existe, et que nous connaissons bien. Tout ce que nous pouvons dire c'est qu'il a créé une variété incroyable d'espèces, dont un cer­tain nombre, comme le mammouth ou le diplo­docus,  devaient disparaître. Tout donne à l'es­prit qui réfléchit tant soit peu l'idée d'une richesse d'imagination comme seuls les grands artistes en connaissent. Il y a, dans toute l'affaire de la création, comme une prodigalité géniale de la part de son auteur, on pourrait presque dire un gaspillage magnifique, et l'on se rappelle les paro­les de Dieu : « Mes pensées ne sont pas vos pensées et vos façons d'agir ne sont pas les miennes. » (Isaïe, lv, 8.)

Retenez ceci encore : Dieu a fait le ciel et la terre pour vous.

Saint Paul nous en avertit en nous disant que tout est nôtre, les choses présentes comme les choses à venir ». (I Cor., III, 22.)

Nous vivons en ce monde, environnés des créa­tures de Dieu. Elles m'existent que pour nous faire souvenir de lui et nous obliger à penser que le Créateur est bien supérieur à son œuvre !

Elles existent pour que nous en fassions un usage bon et raisonnable, nous en servant au lieu de leur être asservis; ceci exige la discipline et la mortification des appétits égoïstes qui nous rava­leraient au rang des animaux sans raison.

Tout cela est vrai de la création terrestre, maté­rielle. Mais le ciel aussi est nôtre et s'offre à nous réjouir. Dès maintenant déjà, la perfection des saints Anges, les prières de la Sainte Vierge et des saints nous sont assurées, parce que nous sommes les enfants de Dieu. Comme sera splendide le jour où, s'il plaît à Dieu, laissant derrière nous le purgatoire, nous trouverons au ciel la fin pour la­quelle nous avons été créés, l'existence qui, seule, peut satisfaire tous les désirs de notre cœur ! Alors le divin Artiste mettra la dernière main à son œuvre et nous serons en mesure d'admirer pleinement la beauté et la perfection de son ouvrage. Le voile retiré, l'Auteur de toutes choses sera devant nous pour nous accueillir et recevoir notre louange émerveillée !

Extrait de : LE CREDO  Mgr Ronald KNOX. (1959)

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19 octobre 2017 4 19 /10 /octobre /2017 02:23

Respect au Siège de Pierre…                               

Respect au vraie et saint Père Paul VI, toujours vivant…

(Le Devoir, 26 oct. 73), Un communiqué de presse en marge de l'assemblée générale des évêques du Cana­da, à Ottawa (22-26 oct.) dûment signé par un respon­sable, nous laisse pour le moins songeur !... On y trouve de brèves citations, attribuées à un « professeur de théo­logie de l'Université de Montréal (jésuite), qui jouit du respect et de l'estime de l'épiscopat ».

Il s'agissait d'informer les évêques canadiens sur la manière de préparer le Synode des Évêques à Rome, en octobre 1974. La dite information met en garde les évê­ques contre le « document préparatoire au prochain Sy­node Romain ». L'orateur invitait les évêques à se « li­bérer très largement de ce document », document quali­fié de « très centralisateur. »

Par ailleurs, on sait partinemment qu'un tel docu­ment romain, ayant pour thème « l'évangélisation », est préparé par des équipes de spécialistes très variés, et sous l'œil attentif du Pape (PAUL VI) lui-même.

On n'a pas omis non plus de laisser filtrer un peu de fiel contre « la Curie Romaine ». Ce n'est pas nouveau. -Mais c'est étrange, et dans la logique des faits: un évêque a fait remarquer « qu'au niveau québécois, il faudrait réévaluer le rôle des paroisses, qui sont pour certaines d'entre elles, devenues « de petits diocèses ». Si nous transposons cette remarque, nous pouvons dire: au ni­veau canadien, il faudrait réévaluer le rôle des diocèses, dont quelques-uns sont devenus de « petites Romes ». Il est difficile de blâmer un curé de paroisse de se méfier de la « curie diocésaine », quand dans tel ou tel diocèse, on se « méfie de la Curie Romaine »... C'est la logique des faits. . . C'est brutal; c'est très malheureux, et très malsain pour le peuple de Dieu.

Les gens du peuple appellent cela  «se mettre un doigt dans l'œil ».

Inconsciemment ou non, se rencontrent chez nous, comme dans d'autres pays, des dynamiteurs du Magistère de l'Eglise.

Notre cher Saint-Père Paul VI le disait clairement le 23 juin 1972: « Plusieurs éléments semblent viser la dissolution du Magistère ecclésiastique, entre autres la subsidiarité entendue comme autonomie; l'Égli­se locale (ou diocésaine) voulue presque comme séparée et libre et se suffisant à elle-même. » (Oss. Rom. 7-7-72).

Autre chose ambiguë et inquiétante : le savant pro­fesseur, parlant de « l'évangélisation », dit aux évêques « qu'il y a en réalité deux Églises » : une d'avant Vatican II. ... et l'autre de Vatican III. . : Était-ce une boutade « futuriste » ? Ou une insinuation avant-gardiste ? ... 

Saint Ignace de Loyola, fondateur des Jésuites, parle avec plus de pondération et de sagesse, quand il énonce la première règle de « penser avec l'Eglise » : « Laissant tout jugement propre, nous devons tenir l'esprit prêt et prompt à obéir en tout à la véritable Épouse du Christ notre Seigneur, qui est notre Sainte Mère l'Eglise hié­rarchique. »

Cette élémentaire vérité catholique est encore bon­ne, non seulement pour tous les fils de saint Ignace, mais pour tous chrétiens, qui ont le « sens catholique ».

Combien sont plus encourageantes et plus rassuran­tes les nobles paroles de l'héroïque Cardinal de Pologne Wyszinski, prononcées aux heures sombres où S. S. Paul VI publia sa courageuse Encyclique HUMANAE VITAE, en 1968: « Quiconque, disait le Cardinal, voudrait défen­dre la discipline, la Foi, l'obéissance au Pape pourrait toujours compter sur l'adhésion unanime des évêques de Pologne. » (Cf. Mgr RUPP, Héros de l'Est, p. 24).

C'est le moment moins que jamais de jeter la mé­fiance, l'inquiétude, le malaise, le doute, la suspicion dans le Peuple de Dieu, sur l'entourage du Pape, sur le « ROC DE PIERRE ». Le Saint-Père vient de le rappeler avec vigueur, le 29 juin 1973:

« Notre humble et faible personne. . . est précisément chargée de transfuser en vous ce don de force, de cons­tance, de certitude, d'impassibilité, d'impavidité qui a son image dans la stabilité du roc que Jésus a choisi comme symbole d'une réalité qu'il a mise à la base de son Eglise. C'est la vertu dont, aujourd'hui, l'Eglise a le plus besoin, alors qu'elle se trouve assaillie par tant de forces visant à l'affaiblir, à la déprimer, à la démolir, l'Eglise a besoin de la fermeté dans la foi, dans l'unité, dans l'effort apostolique, contre les infiltrations de dou­te, contre l'admission de pluralismes équivoques et auto-destructeurs, contre la désagrégation de la charité ecclésiale. La fermeté est le bouclier qui doit nous protéger nous-mêmes contre nos flexions intérieures, contre l'im­pétueuse confusion idéologique de notre monde. . . »

Ces immuables vérités, il faut les «CRIER AVEC CENT MILLE LANGUES », selon la vibrante clameur de sainte Catherine de Sienne.

Extrait de : RETOUR AU MAGISTÈRE. Mgr Joseph Louis Beaumiere (1974)

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16 octobre 2017 1 16 /10 /octobre /2017 08:23

NOTRE CREDO CATHOLIQUE ET LA SOUFFRANCE…

La souffrance nous est utile parce que nous avons besoin d'être éduqués.

Supposez un homme décidé à se suicider et qui, pour arriver à ses fins, commence par prendre une bonne dose d'arsenic; après quoi il enduit ses vête­ments de pétrole et y met le feu; puis il se jette du haut d'un quatrième étage, en ayant soin, en même temps, de se couper la gorge. Pensez-vous que Dieu puisse empêcher cet homme de mourir ? Évidement il le peut, mais il est très improbable qu'il le veuille.

En disant que Dieu est Tout-Puissant nous voulons dire qu'il peut faire tout ce qui n'est pas contre la raison, par exemple faire qu'un rond soit carré, parce que cela implique une contradiction dans les termes. Mais cela ne signifie pas qu'il soit empêché par une force extérieure de faire sa volonté, les lois de la raison font partie de la vérité et la vérité, en un sens, fait partie de Dieu. Plus exactement, c'est Dieu même, ce Dieu est Vérité. » Il peut rendre la vie à un mort; il ne fera jamais que la femme d'un défunt ne reste veuve (à moins, bien entendu, qu'elle ne se remarie).. Tout ceci ©st un peu en marge de notre sujet, mais je n'ai pas cru inutile de vous faire observer que Dieu ne peut pas faire ce qui est contradictoire; et la chose n'est pas si claire pour certains esprits.

Dieu est aussi notre Père. Les Juifs le disaient déjà : « Sans doute, vous êtes notre Père. » Et saint Paul va jusqu'à affirmer que « toute pater­nité tire son nom de la paternité divine au ciel et sur terre ». (Eph., m, 15.) Les païens eux-mêmes appelaient « Père » leurs misérables divinités et le nom de Jupiter ne signifie pas autre chose que : ce Père là-haut dans le ciel. »

Mais c'est surtout Nôtre-Seigneur qui nous a révélé la paternité de Dieu, ce Votre Père qui est dans les deux ». (Mat. XXIII, 29) est une expres­sion habituelle sur ses lèvres. Nous n'avons que l'embarras du choix parmi les versets de l'Évan­gile pour le constater et vérifier le sens donné à cette expression, Dieu est notre Père, parce qu'il nous connaît dans notre fond le plus intime, ce Votre Père qui voit dans le secret. » (Mat. vi, 4.) Il nous est impossible de ruser avec lui ! Et il s'intéresse à tout ce qu'il a fait : un passereau ne tombe pas à terre sans .sa permission... il se soucie des créa­tures, même si elles ne se soucient pas de lui. « Il fait lever le soleil sur les bons et sur les méchants et tomber la pluie sur le juste et sur l'injuste. » (Mt., VI, 26-33.) Tous ses desseins sont inspirés par la bienveillance et, si nous ne pouvons pas tou­jours le constater, nous en sommes assurés par la foi.

« Un père de la terre donnera-t-il une pierre à son fils si celui-ci demande du pain ? Eh bien ! Votre Père céleste ne donnera-t-il pas de bonnes choses à ceux qui le lui demandent ? » (Mt., VII, 7-11.) Une des caractéristiques les plus frappantes de l'enseignement du Christ, c'est la confiance qu'il nous inspire à l'égard de Dieu notre Père. Et c'est là le fondement même du christianisme.

Cette paternité n'est pas un mot vide de sens. La notion a pu varier, il est vrai, au cours des âges et des civilisations. Ainsi, dans l'ancienne Loi romaine, l'autorité du père était extrêmement rigoureuse et allait jusqu'au droit de vie et de mort. Le père est celui à qui l'on doit, avant tout, l'obéissance, et qui l'exige étroitement. Notre époque est loin de cette conception. Sans supprimer l'autorité paternelle, nous la voyons grandie par son origine divine et par son but : elle est toute orientée vers le bien de l'en­fant. Elle nous apparaît encore dominée par l'amour. Quelle différence entre l'ancienne notion de paternité et celle que nous en avons ! Laquelle des deux devons-nous avoir à l'esprit quand nous appelons Dieu « Notre Père » ? La chose est claire.

La bonté paternelle qui est ici en cause n'est pas à confondre, notez-le, avec la débonnaire faiblesse d'un père qui passe tout à l'enfant. Vous savez tous ce qu'on entend par un enfant gâté, et que pareille chose existe, hélas ! bien que vous vous défendiez d'être vous-même « cette chose ». Une nouvelle méthode d'éducation veut, paraît-il, qu'on évite absolument de dire à un enfant : « Ne fais pas ça ! » Je vous assure qu'il suffit d'un voyage de quelques heures en chemin de fer avec de petits enfants pour être édifié sur la valeur de la méthode ! Un père qui ne dit jamais « non » aura pour résultat un enfant gâté. L'expérience souffre peu d'exceptions, Pensez un peu au sens de cette expression : Enfant gâté ! Cela ne veut pas dire seulement que cet enfant est odieux pour son entourage, mais que sa nature même a été faussée, déformée; on l'a laissé devenir mauvais. Il ressemble à ces fruits qui ont pourri pour n'avoir pas été cueillis à temps; à ces pommes de terre violacées et pleines de trous qu'on doit jeter à la poubelle, parce qu'elles ne sont plus bonnes à rien.

C'est le devoir des parents, à moins que, pour de bonnes raisons, ils ne les confient momentané­ment à des éducateurs sérieux, de former leurs enfants et de les aider à rectifier ce qu'il y a de défectueux dans leur nature.

Eh bien ! Dieu est notre éducateur à tous tant que nous sommes. S'il nous donnait absolument tout ce que nous demandons, s'il suffisait de nous jeter à genoux et de dire : « Mon Dieu, donnez-moi un jour de congé, s'il vous plaît » pour avoir notre jour de congé le lendemain, nous devien­drions ni plus ni moins que des enfants gâtés, égoïstes, pleins de nous-mêmes, paresseux. Dieu travaille sans cesse à notre éducation, jusqu'à ce que nous soyons tels qu'il nous veut. Il ne serait pas un vrai père, s'il agissait autrement. Voilà qui devrait suffire à nous faire accepter de bon coeur tout ce qui nous arrive, d'agréable ou non, dans ce monde de misère.

Je dis : « dans ce monde de misère », parce que nous sommes en effet des créatures déchues, il ne faut pas l'oublier. Depuis le péché originel notre nature est portée au mal et ce n'est qu'en nous soumettant à une discipline, en surmontant ce qui nous est contraire, que nous pourrons la maintenir dans la ligne droite.

Il est une autre raison pour que ce monde où nous sommes nous paraisse moins confortable que ne l'était le paradis terrestre pour nos premiers parents. C'est le fait que Dieu, en nous accordant la liberté a, pour ainsi dire, rendu les vies humaines dépendantes les unes des autres. Parce qu'un homme a le pouvoir de faire souffrir son prochain, ce prochain est nécessairement exposé à souffrir : les deux vont ensemble par définition. Le roi Hérode, en voulant la mort de l'Enfant-Dieu, mettait par le fait même les petits Inno­cents en danger de mort.

Vous me direz qu'au dernier moment Dieu peut toujours intervenir pour arranger les choses, fût-ce par un miracle, et empêcher les hommes de se nuire entre eux. Évidemment, Dieu le pourrait, mais s'il le faisait toujours, la liberté humaine ne serait plus qu'une illusion.

Il est impossible, dans un monde déchu, que des êtres humains, libres d'agir à leur guise, ne soient pas les uns pour les autres une cause de souf­france : Dieu veut donner cette limite à son pou­voir. Il laisse faire le mal pour ne pas rendre illu­soire la liberté de l'homme.

Je vous entends dire : « C'est très bien, mais cela n'explique pas toute la souffrance humaine. Qu'une personne puisse souffrir pendant des années entières d'un mal qui la torture, ou qu'une ville florissante devienne en une seconde un amas de ruines, par suite d'un tremblement de terre, la liberté n'a rien à y voir. Personne ne peut être responsable de pareilles tragédies, sinon Dieu, qui, étant Tout-Puissant, aurait pu empêcher le désastre et qui, étant Père, n'aurait pas dû le permettre. »

Il faut le dire et le redire : la souffrance nous est utile parce que nous avons besoin d'être éduqués. Elle nous façonne et nous rend conformes à l'idéal que Dieu s'était proposé en nous créant. Il veut que nous soyions détachés des biens de la terre; et comment y parvenir si rien ne nous man­que ? Il veut nous apprendre la patience. Et com­ment l'apprendrons-nous, si nous n'avons rien à endurer ? Il veut que nous lui fassions aveuglément confiance, et la condition sine quoi non d'une telle confiance, c'est de ne pas savoir, de ne pas même chercher à savoir les raisons de sa conduite à notre égard. Il nous veut humbles, et nous ne cultive­rons pas l'humilité, si tout va selon nos désirs. Tout cela, nous le comprenons sans difficulté, n'est-il pas vrai ? Mais il y a plus encore.

La souffrance est une dette contractée envers Dieu par nos péchés, dont elle est la punition. Chacun de nous est un être moral, caractérisé non seulement par le fait de sa liberté, qui lui permet de choisir entre le bien et le mal, mais par le fait d'être responsable de son choix et de mériter une sanction dans le cas où le choix a été mauvais. Dieu aurait pu faire qu'il en soit autrement, par exemple nous faire monter au ciel tout droit, mais ce n'eût pas été digne de notre nature humaine. Il a préféré que nous ayons des comptes à régler avec lui, avant d'aller au ciel, et les comptes se règlent par la souffrance, soit en ce monde, soit au Purgatoire. C'est comme s'il nous disait : « Tu es mon enfant, et parce que tu es mon enfant, je ne vais pas te traiter comme une chose inerte, que l'on met ici ou là, sans qu'elle ait rien à y voir. Ta volonté doit, librement, deve­nir une même chose avec la mienne, et c'est pour en arriver là que ta volonté doit accepter de ma part les châtiments mérités par tes fautes. Ainsi, le moment venu de te prendre au ciel avec moi, il n'y aura plus cet horrible trou entre ma volonté et la tienne; toute divergence aura disparu. Tu vas subir la peine qui t'est due, comme à tout pécheur; de cette façon-là seulement ma volonté sera pleinement satisfaite. »

Comprenez-vous cela ? C'est un peu dur peut-être, mais c'est, il me semble, ce que les saints nous apprennent. Les saints ! Ah ! Ils nous disent bien d'autres choses encore ! Ils nous disent que Jésus-Christ a souffert et que c'est l'honneur de ceux qui le servent d'avoir à souffrir avec lui, de pouvoir unir leurs souffrances aux siennes, comme la Sainte Vierge au pied de la croix. Ils nous disent pourquoi ce sont, bien souvent, les meil­leurs et non les pires qui sont les plus éprouvés. Que les meilleurs veulent souffrir, aiment souf­frir pour ressembler au Christ Jésus. Peut-être sommes-nous encore loin de telles dispositions ! A la moindre migraine, nous nous plaignons d'être maltraités ! Et nous pensons ensuite : « Si j'avais à accepter une grande souffrance, une longue mala­die, par exemple, ou de mauvais traitements, que ferais-je, moi qui accepte si mal une légère épreuve ? »

Eh bien ! Rassurez-vous. Ceux qui ont l'expé­rience de la souffrance humaine : docteurs, infir­mières, font une constatation encourageante. Ils disent que, dans l'ensemble, ceux qui ont de grandes souffrances les portent courageusement, sans se plaindre, et même avec beaucoup plus de résignation qu'on ne pense. Espérons qu'il en sera ainsi pour nous, quand notre tour viendra de rece­voir de la divine Providence le lot de souffrances qu'elle nous a assigné. (Ndblog.  Aujourd’hui les douillets demandent l’aide à mourir. Quel gâchis, c’est l’équivalent de se suicider.)

En conclusion : Dieu est Tout-Puissant, mais il ne pouvait faire qu'un monde existe, dans lequel les uns auraient la possibilité de nuire, sans que les autres aient celle de souffrir : un tel monde est inconcevable. Dieu est notre Père. Mais, comme nous appartenons à une humanité déchue, nous devons être soumis à un régime disciplinaire, sous peine de devenir des « enfants gâtés ». Il nous punit, pour nous rendre meilleurs que jamais, parce que, si nous recevons bien la punition imposée par lui, nous nous associons à celle que Jésus-Christ a voulu subir pour nous. Nous devenons, pour de bon, de vrais enfants de Dieu, et nous aurons le droit de dire, quand le ciel s'ouvrira devant nous : « Voyez, ô Père, comme j'ai bien rempli mon devoir de répara­tion ! Maintenant, me voilà ! »

Extrait de : LE CREDO  Mgr Ronald KNOX. (1959)

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15 octobre 2017 7 15 /10 /octobre /2017 02:29

S. S. Paul VI et les vocations sacerdotales…  (21 nov. 1973)   

Ne pas minimiser l'importance de la présence du prêtre

Il nous semble que le premier travail est de faire prendre conscience plus profondément aux fidèles de la valeur et du caractère indispensable du ministère sacer­dotal sur le plan du salut. Il faut réagir contre une mentalité répandue qui tend à minimiser l'importance de la présence du prêtre, après que le Concile ait telle­ment valorisé le sacerdoce commun des fidèles. Cela voudrait dire que l'on ne comprend pas le plan de Dieu, qui au contraire a voulu appeler dans l'Eglise ceux qui croient en lui et les sauver en en faisant un peuple hié­rarchiquement constitué. Cette nécessité indispensa­ble s'avère plus évidente encore aujourd'hui : d'une part, en raison des conditions spirituelles du monde moderne, qui tend toujours davantage à se séculariser et à perdre le sens du sacré; d'autre part, parce que l'Eglise s'enga­ge de plus en plus au service de l'humanité; à long ter­me, ce service ne pourrait être assuré sans la vertu sanc­tificatrice et l'autorité pastorale de ceux qui ont été cons­titués « intendants des mystères de Dieu » (1 Cor., 4, 1).

Confiance en Dieu et dans les jeunes.

Nous reconnaissons certainement les multiples et graves, difficultés que vous devez rencontrer pour sur­monter l'actuelle crise des vocations, laquelle a des ra­cines vastes et profondes. Chez certains, ces difficultés auront peut-être pu faire naître une tentation de doute ou de découragement sur la réelle possibilité, en un monde aussi intoxiqué par le matérialisme et l'hédonis­me, de faire entendre aux jeunes la voix du Christ qui leur dit aujourd'hui comme hier, et même plus qu'hier: « Viens et suis-moi ». Voici alors notre seconde recom­mandation: travaillez avec confiance. Confiance en Dieu parce que les vocations, avant d'être l'œuvre de l'homme, sont principalement l'œuvre de Dieu. En aucune ma­nière nous ne devons douter que Dieu veuille pourvoir aux besoins de son Eglise à laquelle il a promis assistance jusqu'à la fin des temps (cf. Mt 28, 20). Et puis con­fiance dans les jeunes dont la générosité n'est pas moin­dre aujourd'hui qu'hier. Nous pensons que le manque de vocations dépend, certes, en grande partie du milieu familial et social qui rend la conscience des nouvelles générations réfractaire à l'appel du Christ. Mais nous croyons aussi dans l'immense richesse d'énergie qui se trouve chez les jeunes de notre temps, si ouverts aux grand idéaux de justice, si soucieux d'authenticité, si disponibles pour se donner à leurs frères. Si nous les voyons si sensibles devant l'humanité qui souffre des injustices, de la faim, de la violence, comment se rési­gner à penser qu’ils ne peuvent pas l'être aussi devant une humanité qui demande avec non moins de force la présence de Dieu et sa grâce distribuée par le ministère du prêtre ? Nous pensons donc qu'ils sont encore nom­breux ceux qui sont capables de suivre généreusement et fidèlement l'idéal d'une existence consacrée au Christ et aux âmes jusqu'à l'héroïsme.

Ce n'est pas en présentant le sacerdoce sous un jour plus facile qu'on le fera désirer davantage

Mais comment présenter cet idéal ? Nous répon­drons qu'aux jeunes, qui sont généreux et forts par na­ture, cet idéal doit être présenté dans toute sa dimension, sans cacher ou atténuer les sévères exigences qu'il comporte, mais en montrant bien leur haute signification et leur valeur surnaturelle. On doit même croire que cette présentation exerce un attrait plus grand sur les jeunes qu'une présentation humainement plus ac­ceptable et apparemment plus facile, mais qui risque de dénaturer le caractère éminemment et essentiellement spirituel du service sacerdotal. Ce n'est donc pas en pré­sentant le sacerdoce sous un jour plus facile qu'on le fera désirer davantage. Ce n'est pas dans ce sens que l'on devra s'orienter pour développer quantitativement et qualitativement les vocations et pour répondre aux be­soins pressants de l'Eglise aujourd'hui.

Les séminaires.   Réagir contre le relâchement

Mais, comme vous le savez bien, le problème des vo­cations ne se limite pas au recrutement des candidats au sacerdoce. Il faut aussi tout un ensemble d'efforts et de soins pour que le germe déposé par Dieu dans le coeur des jeunes puisse parvenir à maturation et surtout fruc­tifie et soit persévérant. Cela nous conduit tout natu­rellement à parler des séminaires, qui devront re­tenir votre attention d'une façon toute particulière. Il faudra s'employer résolument à relever leur ni­veau spirituel et à en faire vraiment ce qu'ils ont toujours été dans l'Eglise: des lieux privilégiés de piété, d'étude, de discipline. On devra à tout prix dissiper le climat de conformité au monde, de relâchement dans l'esprit de prière et d'amour de la croix, qui malheureu­sement tente de pénétrer dans beaucoup d'entre eux, si nous ne voulons pas voir compromis les efforts les plus généreux dans ce domaine si délicat et si vital pour l'Eglise.

Extrait de : RETOUR AU MAGISTÈRE. Mgr Joseph Louis Beaumiere (1974)

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14 octobre 2017 6 14 /10 /octobre /2017 04:07

S. S. Paul VI et le vrai   prêtre catholique…     

(17 février 1972)

Prenons garde à une chose importante. Dans toute cette problématique, à la fois interne et externe, de no­tre sacerdoce, une question domine les autres, et en un certain sens les récapitule toutes. Elle est désormais devenue monnaie courante dans la discussion complexe qui nous concerne. C'est la question le l'identité du prêtre : Qui est le prêtre ? Dans la religion chrétienne existe-t-il véritablement un prêtre ? Et, s'il existe un ministre de l'évangile, quelle figure doit-il avoir ?

Les tentations se sont insinuées jusqu'au fond même de la conscience intime du prêtre pour détruire en lui la bienheureuse certitude intérieure de son statut ecclésial : « Tu es Sacerdos in aeternum-», et la remplacer par une interrogation obsédante : Qui suis-je ? Ne suffisait-elle pas, la réponse de l'Eglise donnée depuis toujours, qui nous a été transmise par les années de séminaire, allumée comme une lampe inextinguible au centre de notre âme, et devenue comme connaturelle à notre propre menta­lité ?

Interrogation aussi superflue que dangereuse à première vue, oui certes. Mais le fait est qu'elle a été lancée, comme une flèche, dans le coeur de nombreux prêtres, et surtout de quantité de jeunes au seuil de l'or­dination, et dans le coeur de quelques-uns de nos frères dans le sacerdoce arrivés à l'âge mûr. Les prêtres qui se sont trouvés sur ce récif ont eu tendance à douter d'eux-mêmes, de l'autorité de l'Eglise. Une telle tendan­ce peut être légitime en soi, mais elle se transforme bien vite en tentation et en déviation, dans l'impossibilité où l'on est d'y trouver une réponse satisfaisante. On est alors allé chercher l'identité du prêtre dans l'état civil profane, dans la sociologie en particulier, ou la psycholo­gie, ou même dans la comparaison avec des dénomina­tions chrétiennes détachées de la racine catholique, ou enfin dans un humanisme qui prend toutes les apparen­ces d'un axiome : le prêtre est avant tout un homme, un homme complet, un homme comme tous les autres...

Nous nous limitons ici à une affirmation fondamen­tale : la définition de l'identité du prêtre, nous devons la chercher dans la pensée du Christ. Seule la foi peut nous dire qui nous sommes et ce que nous devons être.

a) Nous sommes des appelés.

Demandons donc humblement à notre Maître Jésus : qui sommes-nous ? Ne devons-nous pas nous interroger sur la façon dont il nous considère, dont il nous veut ? Quelle est, devant lui, notre identité ?

Une première réponse nous est donnée tout aussi­tôt. Nous sommes des appelés. Notre Évangile commen­ce par notre vocation. (Il nous semble que nous avons le droit de reconnaître dans l'histoire des Apôtres notre histoire à nous, prêtres.)

C'est Jésus qui prend l'initiative. Lui-même le fait remarquer : « Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, niais c'est moi qui vous ai choisis. » (Jn 15).

Ce dessein évangélique nous concerne personnelle­ment. Je le répète : nous sommes des appelés. La fa­meuse question de la vocation touche la personnalité et le destin de chacun d'entre nous. Quelles qu'aient été l'évolution et l'éducation de notre vocation, celle-ci cons­titue ce qu'il y a de plus intéressant dans l'histoire per­sonnelle de notre vie. Il serait stupide de vouloir la ré­duire à un ensemble de circonstances banales et extérieures. Il faut plutôt souligner les soins toujours plus rigoureux et attentifs avec lesquels l'Eglise cultive, choi­sit et assiste les vocations sacerdotales; il y a là un élé­ment de certitude pour conformer notre identité que, bien souvent aujourd'hui, on dépèce artificiellement pour la déclarer inauthentique. Pourtant, il est bien difficile de nos jours qu'une vocation ecclésiastique soit fondée sur des motifs intérieurs et extérieurs que l'on puisse honnêtement attaquer.

Nous devons plutôt penser à certains aspects de cet­te vocation qui est venue frapper à notre porte. Elle a marqué le moment où notre liberté a joué à plein. Celle-ci a pensé, réfléchi, voulu, décidé. Elle a provoqué le grand choix de notre vie. Analogue au oui de celui qui contracte mariage, notre réponse, à l'opposé de la versatilité de l'homme dépourvu d'un idéal qui le dépasse, a engagé notre existence, la forme, la mesure et la durée de notre offrande. C'est pour cela qu'elle est la page la plus belle, la plus idéale de notre histoire d'homme : prenons garde de la dévaluer ! Et tout aussitôt elle a marqué de son formidable oui notre vie, qui sera désor­mais mise à part, différente de celle des autres. Saint Paul le dit de lui-même : «mis à part pour annoncer l'Évangile de Dieu », un oui qui en un seul instant nous a arrachés à tout ce qui nous appartenait : « laissant tout, ils le suivirent» (Luc, 5, 11); un oui qui nous met en apparence dans le camp des idéalistes, des rêveurs, des fous, des ridicules; mais aussi, grâce à Dieu, dans le camp des forts, de ceux qui savent pour quoi ils vivent, pour qui ils vivent. C'est à tout cela que nous sommes appelés. Mis à part du monde, oui, mais non séparés de ce monde pour lequel nous devons être avec le Christ et pour le Christ ministres du salut....

b) Nous sommes des disciples

Nous sommes donc appelés, mais dans quel but ? No­tre identité s'enrichit d'une autre note essentielle : nous sommes des disciples. Le terme disciple est corrélatif à un autre terme qui ne peut faire défaut, celui de maître. Qui est notre Maître ? C'est le moment de le rappeler : « Vous n'avez qu'un Maître, et tous vous êtes des frères. Vous n'avez qu'un docteur, le Christ » Par le fait même que les appelés sont des disciples, ils seront élevés à la fonction de maîtres chargés d'enseigner, non .leur propre doctrine, cela est clair, mais celle qui leur a été révélée par le Christ, d'une façon analogue, en dépit de la distance infinie, à ce que le Christ a dit de lui-mê­me : « Ma doctrine n'est pas de moi, mais de Celui qui m'a envoyé. » (Jn 7, 16.) C'est pourquoi, dans la mesure où nous sommes des disciples, nous pouvons dire égale­ment que notre identité sacerdotale comporte une attri­bution de magistère : nous sommes disciples et nous sommes maîtres; nous sommes des auditeurs de la Pa­role du Christ et des messagers de la Parole elle-même.

Le caractère de disciples du Christ comporte, vous le savez, Frères très chers, un double devoir fondamen­tal pour la vie du prêtre en quête d'authenticité : le premier est celui du culte de l'enseignement du Christ. Si cet enseignement se ramifie en de nombreuses direc­tions, toutes tendent vers des buts essentiels à la défini­tion du prêtre. Énumérons-les rapidement : écouter. Écouter la voix de l'Esprit du Christ, c'est-à-dire les as­pirations qui ont une véritable origine surnaturelle; écouter la voix de l'Eglise quand elle parle dans l'exer­cice de son magistère, soit ordinaire, soit extraordinaire; écouter l'écho de la voix du Seigneur dans celui qui nous parle en son nom, comme l'évêque ou le maître spirituel, ou l'ami à la bonté éclairée; écouter aussi la voix du Peuple de Dieu quand elle nous rappelle à nos devoirs ou nous demande parfois quelque service conforme à notre ministère. Écouter en étudiant les sciences sacrées (bien souvent les laïcs sont mieux informés des matiè­res de leur compétence que nous des doctrines religieu­ses.) Écouter enfin en nous livrant à l'oraison mentale, à la méditation : nous savons bien à quel point celle-ci sert d'aliment à notre vie personnelle et spirituelle.

c) Nous sommes des apôtres.

Dans la pensée de Jésus, il y a encore une note es­sentielle pour notre identité. C'est le fait que, de disci­ples, il nous a promus apôtres. Écoutez, comme en syn­thèse de ce que nous sommes en train de dire, l'évangéliste saint Luc : « il appela ses disciples et en choisit douze, auxquels il donna le nom d'apôtres ». L'applica­tion aux prêtres de ce titre souverain d'apôtres ne nous paraît pas abusive, servatis servandis; ni même la re­cherche, en ce titre même, des pouvoirs et des fonctions propres au prêtre du Christ.

Chacun de nous peut dire : je suis apôtre. Que veut dire ce mot d'apôtre ? Il veut dire envoyé. Envoyé par qui ? Et envoyé à qui ? La réponse à l'une et l'autre question, c'est Jésus lui-même qui nous la donne le soir de la Résurrection : « Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie. » Réfléchissez à cela. Il y a de quoi rester frappé de stupeur : d'où vient mon sacer­doce et vers quoi tend-il ? Qu'est-il, sinon un chemin de vie divine qui, en prolongeant la mission de salut, à la fois divine et humaine du Christ, sert à communiquer les mystères divins à l'humanité ? ...

Que l'on nous considère, dira saint Paul, comme intendants «des mystères de Dieu». Nous sommes des ministres de Dieu. C'est-à-dire des serviteurs : nous ne donnerons jamais un sens assez plein à ce terme, re­latif à notre personne et encore plus à notre mission, par lequel le Christ a voulu définir la sienne aussi bien que la nôtre, dans une profonde humilité, dans une par­faite charité : «... vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres ». Mais en même temps, quelle dignité, quels pouvoirs comporte un tel service : c'est celui d'un ambassadeur ! « Nous sommes en am­bassade pour le Christ, comme si Dieu exhortait par nous. » Et il y a aussi les pouvoirs sacramentels qui fe­ront de nous les instruments de l'action même de Dieu dans les âmes. Ce n'est plus notre seule activité humai­ne qui nous caractérise, mais l'investiture des vertus di­vines agissant dans notre ministère. Une fois compris le sens et la valeur sacramentelle de notre ministère, c'est-à-dire de notre apostolat, toute une série d'autres défini­tions peuvent donner un éclairage spirituel, ecclésial et même social au prêtre catholique, de manière qu'on puis­se l'identifier parmi tous, aussi bien au-dedans qu'au-dehors de la société ecclésiastique.

Il est non seulement le presbytre qui préside aux actes religieux de la communauté, mais il est véritable­ment l'indispensable et l'exclusif ministre du culte offi­ciel accompli in persona Christi et en même temps in nomine populi, l'homme de la prière, le seul à pouvoir offrir le sacrifice eucharistique, celui qui redonne vie aux âmes mortes, le trésorier de la grâce, l'homme des bé­nédictions. Lui, le prêtre-apôtre, il est le témoin de la foi, le missionnaire de l'Évangile, le prophète de l'espérance, le centre où progresse et se récapitule la communauté, le constructeur de l'Eglise du Christ fondée sur Pierre.

Et voici enfin son titre propre, humble et sublime : il est le pasteur du Peuple de Dieu, l'ouvrier de la cha­rité, le protecteur des orphelins et des petits, l'avocat des pauvres, le consolateur de ceux qui souffrent, le père des âmes, le confident, le conseiller, le guide, l'ami de tous, l'homme « pour les autres » et, s'il le faut, le héros volontaire et silencieux.

Si l'on regarde bien le visage anonyme de cet homme solitaire, sans foyer, on découvre l'homme qui ne sait plus aimer comme hom­me, parce que tout son coeur il l'a donné, sans rien rete­nir en propre, à ce Christ qui s'est donné lui-même jus­qu'à la croix pour lui, et à ce prochain qu'il s'est donné comme but d'aimer à la mesure du Christ. Tel est, en effet, le sens de sa belle et grande immolation dans le célibat : en un mot, c'est un autre Christ. Là se trouve en définitive l'identité du prêtre. Nous l'avons entendu répéter tant de fois : c'est un autre Christ. Alors pour­quoi avoir peur ?

Crions-le AVEC  CENT  MILLE LANGUES: LE PRÊTRE EST UN AUTRE CHRIST !

Extrait de : RETOUR AU MAGISTÈRE. Mgr Joseph Louis Beaumiere (1974)

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