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Que sert à l'homme de gagner l'univers s'il perd son âme

18 janvier 2014 6 18 /01 /janvier /2014 08:49

Il est faux de dire qu'un homme n'est en pleine possession de sa vie que le jour de sa mort;  cette affirmation est tragique, car à ce moment là nous avons épuisé nos dernières chances, et ce que nous serons alors, nous le serons et le resteront éternellement.

 

L'heure de la mort est celle où la vie nous porte son dernier coup et nous fait sa dernière grâce. Bien des épreuves ont pu précéder : celle-ci les termine; beaucoup de faveurs et de possi­bilités nous furent accordées : il dépend de nous, avec Dieu, que la mort les couronne.

 

Une heure si décisive ne peut venir au hasard. En tout cas l'action du hasard est ici subordonnée; Dieu en est le maître. Nous devons croire fermement que chacun meurt, quelles que soient les circonstances de sa mort, à l'heure précise où Dieu juge réalisé son accomplissement.

 

Quel accomplissement? Il y a tant d'êtres qui meurent prématurément, en bas âge, avant que leur œuvre soit terminé! Mais ce qui est ainsi prématuré temporellement peut être à son exacte mesure pour l'être moral et l'être éternel.

 

En tout cas, celui qui a été appelé par Dieu à l'exercice de sa liberté s'est trouvé en état de témoigner de son âme, de marquer sa valeur de fond, sa volonté essentielle. Quand Dieu juge que l'épreuve est obtenue, que le vote est acquis, que la collaboration attendue est fournie, la vie prend fin. Les causes créées s'en trouvent néces­sairement d'accord. L'homme accompli par la mort est comme un fruit mûr : il tombe de lui-même.

 

Ce que j'appelle ainsi accomplissement est comme on le voit, tout à fait relatif; il dépend des vouloirs divins; il dépend, ce qui est beaucoup plus im­portant à méditer, de notre liberté acceptante ou rebelle. La mort met un doigt sur ma touche, et le grand silence entre en moi; mais ce silence signifie : voilà ce que tu es, voilà ce que tu as voulu, voilà ce que tu vaux. Mon jugement est dès lors acquis; il n'y a pas besoin d'assises. Ceux qui croient à un débat se trompent et ne parlent pas en connaissance de la cause.

 

Il n'y a rien à débattre en face de ce qui est. Le poids d'une substance ou sa tempé­rature ne se débattent point, ils se constatent. Quand l'épi est moissonné, sa teneur en pur froment est connue du moissonneur, elle n'est pas débattue.

 

Nous édifions notre vie, la mort l'achève, comme la nature édifie l'univers que la résurrection finale achèvera. Si la mort est « une promotion », comme le veut Chateau­briand, nous sommes promus au grade que dé­termine, entre les vivants, notre valeur morale.

 

Dieu veuille, à quelque âge que je meure, que ce soit dans l'âge mûr de la vérité, avec un poids de mérite qui surmonte mes fautes, dans une ardeur de charité qui m'apparente intimement à mon Créateur!

 

Alors mon accomplissement ne signifiera pas seulement un fait accompli, mais une mesure pleine, un achèvement, un idéal satisfait. Franklin disait : Mourir sera pour moi, non pas finir, mais « achever de naître ».

 

Extrait de : RECUEILLEMENT. Œuvre de A. D. Sertillages O.P. (1935)

 

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