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Que sert à l'homme de gagner l'univers s'il perd son âme

29 mars 2014 6 29 /03 /mars /2014 23:28

Ce que nous appelons nous former, ce n'est pas uniquement acquérir; c'est plus fréquemment encore, peut-être, ou en tout cas concurremment nous purifier, parfois nous guérir.

 

Penserait-on qu'à cet indispensable travail la douleur soit inutile ? On trouve déjà dans le Gorgias cette chrétienne pensée : « On ne peut s'amender  sur terre que par la voie des douleurs et des souffrances; il n'est pas possible d'être délivré autrement de l'injustice. »

 

Nous savons que la douleur a d'autres aspects ; elle n'en est pas moins le thermocautère; on fait « aïe! », et si l'on est sage, grâce à elle on sera mieux. « Les maux qui nous affligent, dit Bossuet, nous servent à corriger ceux qui nous flattent. » De temps à autre, Dieu nous arrache ce monde dont nous usons mal; il paraît le retirer à lui, comme le ciel tire jusqu'au zénith la lumière du soir. Il n'a besoin pour cela que de nous toucher en nous-mêmes. Un simple malaise, à plus forte raison une adversité véritable, une infirmité, une ruine, un deuil, et l'univers, pour nous, est décoloré. Quelle grâce, si nous le vou­lons, que cette décoloration momentanée ou par­tielle! Il en est comme de la nuit enfin survenue, qui nous révèle les astres. Nous voyons mieux le divin; nous nous voyons nous-mêmes avec plus de droiture, de sincérité vraie, à la place de ces jeux d'images et de ces tricheries plus ou moins conscientes dont nous sommes constam­ment dupés.

 

« Pleurer, ça éclaircit la vue », disait une fille de Saint-Lazare. Heureux quand les maux que nous sentons dans notre chair ou dans notre âme nous éveillent au souvenir ou à la crainte de ceux que nous ne sentons pas!

 

N'eussions-nous rien à redresser en nous ni à guérir, encore pourrions-nous retirer de la douleur le bénéfice de cet achèvement, de cette douceur qui excitent la sympathie comme toute valeur un peu mystérieuse. Une âme qui a bien souffert offre un charme profond et bien atta­chant pour qui sait comprendre. Elle a subi de ce fait même une épuration; elle est exempte des superfluités morales qui nous encombrent, des illusions qui faussent notre regard; elle a acquis cette expérience totale qui est source de vie, parce qu'elle est l'expression, dans une âme, de la vie en sa plus complète signification et en son intégrale beauté.

 

Léonard de Vinci disait avoir observé qu'en sortant, le soir, par un temps gris et triste, on trouvait sur les visages beaucoup de grâce et de douceur.

 

Dans une âme au soir de la vie, après de grandes souffrances bien supportées et fécon­des, on voit la grâce au plus haut sens du mot, mais aussi en ce sens d'exquise noblesse morale qui nous enchante, et la douceur austère de la vie telle que Dieu la voit, sous son ciel, aux bras de l'espérance, est bien ce qui nous est alors révélé.

 

 

Extrait de : RECUEILLEMENT. Œuvre de A. D. Sertillages O.P. (1935)

 

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