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Que sert à l'homme de gagner l'univers s'il perd son âme

13 février 2014 4 13 /02 /février /2014 10:11

Les empereurs dieux se conféraient à eux-mê­mes l'apothéose. Le chrétien, dans le gîte secret de sa conscience morale, décide aussi de sa propre divinisation, dont le Juge suprême ne fait que sanctionner la qualité acquise.

 

L'apothéose céleste est une manifestation; elle est l'écho du oui prononcé à l'appel de la vie morale. Elle prend le nom de « salut », à cause du risque ; de ciel, pour sa hauteur dans l'échelle des biens; de « béatitude », parce qu'elle est un achèvement heureux, et de « repos éternel » non pour son immobilité : elle est activité sou­veraine, mais parce qu'elle met fin à l'inquiétude et fait cesser la recherche.

 

Dans la nature, tout monte. L'apothéose de la matière est de végéter, celle du végétal de sentir, celle de l'animal de penser. L'être qui pense continue l'ascension en accédant au plus haut état de la pensée, qui est la contemplation des réalités suprêmes, avant tout de leur Source.

 

Si après cela un domaine nouveau nous est révélé et nous est ouvert; si les intimités sacrées, les au-dedans de la Famille éternelle, dont toute la création — ce dehors — ne peut être qu'un reflet, sont proposés aux amis que Dieu se donne en nous par la grâce, alors l'apothéose est achevée; le troisième ordre de Pascal est atteint; la Cha­rité substantielle est nôtre; nous sommes amour en Dieu Amour; nous sommes dieux avec Dieu; nous régnons du règne de Dieu, et l'harmonie éternelle s'organise.

 

Œdipe de So­phocle demandait : «Quel homme, a connu d'autre bonheur que celui qu'il imagine pour retomber dans l'infortune après cette illusion ? » L'homme spirituel n'imagine pas son bonheur; ce bonheur est trop grand. L'illusion est toujours de le diminuer au profit d'ambitions mesquines. La plus petite réussite chasse le bonheur vrai, le plus petit plaisir la joie pleine; l'orgueil triomphe à rebours. C'est pour cela qu'on demeure sujet à l'infortune. Quand le bonheur vient, le vrai, l'infortune n'a plus cours; elle n'a pas plus de sens que la nuit à midi et le froid au cœur d'un astre.

 

Ici-bas, l'illusion dont parle Sophocle, usurpe le nom de l'espoir, et nos espoirs ne sont souvent que le reflet de nos souvenirs. Dans l'éternel, ce sont nos souvenirs qui reflètent l'objet obtenu de ce qui fut autrefois l'espérance. Plus d'espé­rance, quand on possède; mais on se souvient d'elle; on y retrouve en tons pâles ce qui main­tenant éblouit; on la bénit de n'avoir pas déserté la route; on bénit Dieu de nous l'avoir conservée, compagne fidèle, guide et consolatrice à qui nul ne renonce. Car les Saints, voués au « pur amour » ne paraissent faire fi du ciel que parce qu'ils en sont.

 

 

Extrait de : RECUEILLEMENT. Œuvre de A. D. Sertillages O.P. (1935)

 

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